Gaétan Boucher: toujours un grand champion

Gaétan Boucher avait repris l’entraînement après une pause de plus de 25 ans pour gagner. Rien de moins. Et il n’a pas déçu, étant couronné champion du monde des maîtres, dimanche, devant une foule survoltée et vendue à sa cause au Centre de glaces à Québec.

«Je suis soulagé, ç’a été dur, a lancé le Québécois avec le sourire du devoir accompli. Mais je suis content d’avoir fini.»

La légende du patinage de vitesse longue piste a fait tourner les têtes depuis vendredi sur l’anneau qui porte son nom. Meneur au classement général chez les 65-69 ans (il aura 65 ans en mai) après trois courses, Boucher a pris l’ultime départ, celui du 3000 m, avec une mince avance sur son plus proche rival, le Néerlandais Victor van den Hoff. C’était loin d’être dans la poche.

Malgré une quatrième place au 3000 m, Boucher a triomphé au cumulatif des quatre épreuves, devant van den Hoff, qui a réalisé le deuxième temps sur la distance du jour.

«Je m’attendais à ce que ça soit plus facile, a avoué Boucher, à cause de mes antécédents et que je suis un bon patineur. Mais les [patins à] claps jouent un rôle différent. Ma technique d’antan ne fonctionne pas avec les claps, je ne suis pas aussi efficace. Et au niveau physique, essayer de refaire des performances avec l’âge, ce n’est plus pareil.»

Le meilleur

Son principal adversaire du week-end a dû se résigner et concéder la victoire.

«Ce n’était pas le résultat escompté, a admis van den Hoff. J’ai peut-être été neuf secondes trop lent. Si la distance entre lui et moi avait été de 10 mètres environ à l’arrivée, j’aurais été le champion au cumulatif. C’était si serré. Mais c’était une bonne course, j’ai fait mon possible. C’est lui le champion, il est meilleur que moi.»

Le Néerlandais de 68 ans, qui n’a jamais participé aux Jeux olympiques, peut se consoler en se disant qu’il a été plus rapide qu’un champion olympique sur deux distances, le 1500 m et le 3000 m.

«C’est une occasion rêvée, a-t-il exprimé. Sa réputation le précède. C’était un moment unique d’affronter un patineur de cette trempe, spécialement sur son anneau. Son nom est partout ici.»

Dernier tour enlevant

Mais tout aurait pu basculer lors du dernier changement de couloir (il faut le faire à chaque tour).

«Je me suis dit que j’allais sortir [du virage] avant lui et que j’allais croiser tout de suite, mais on est sorti trop égal. Il n’était pas question que je passe et que je sois disqualifié », a raconté Boucher.

«Ça ne m’a pas tellement ralenti, mais lui [van den Hoff], ça l’a encouragé, a poursuivi le quadruple médaillé olympique. J’ai vu qu’il prenait un peu de distance et j’avais le virage extérieur. Je suis sorti du virage et je me suis dit : “ce n’est pas vrai qu’il va gagner ça dans le dernier tour”.»

Le premier Canadien à avoir remporté une médaille d’or individuelle aux Jeux olympiques d’hiver était satisfait d’avoir respecté son plan de match. Il ne voulait pas s’élancer trop vite.

«Je ne voulais pas aller en bas de 37 secondes, a expliqué Boucher. Il [van den Hoff] a fait 35,7 s. C’était trop vite, même pour lui. Moi j’étais correct. Il a monté à 36 s et la fatigue s’est installée. Je n’ai pas embarqué dans sa stratégie.»

Faux départ

Le double champion olympique à Sarajevo, en 1984, a dû gérer ses émotions en cette dernière journée des Jeux des maîtres, qui regroupaient 130 athlètes âgés de 30 à 88 ans et provenant de neuf pays. Boucher a été coupable d’un faux départ.

«C’était pas voulu ! a-t-il assuré. Mon genou a bougé, je ne voulais pas partir. C’est la nervosité. […] Je n’étais pas content.»

Performance en or de Gaétan Boucher

Chez les 65-69 ans :

 500 m, 1er ▸ Gaétan Boucher 43,00 s

 1500 m, 2e ▸ Gaétan Boucher 2:10,77

 1000 m, 1er ▸ Gaétan Boucher 1:24,07

 3000 m, 4e ▸ Gaétan Boucher 4:43,04

 Cumulatif, 1er ▸ Gaétan Boucher

Autres champions canadiens

 François Drolet : (50-54 ans)

 Sylvain Perreault : (60-64 ans)

 Gaston Roy : (80-84 ans)

 Katia Bilodeau : (40-44 ans)

 Guylaine Larouche : (65-69 ans)

 Colleen Lynch : (80-84 ans)

Source : Resultatsendirect.org

Déjà la tête aux prochains Jeux mondiaux

Le nouveau champion chez les 65-69 ans a toujours la passion du patinage de vitesse. Et cette victoire au cumulatif dimanche a confirmé son désir de poursuivre jusqu’aux prochains Jeux mondiaux des maîtres.

«J’ai pas fait tous ces efforts pour patiner juste un an», a laissé tomber Gaétan Boucher, qui avait pu reprendre l’entraînement à 100 % après qu’une artère eut été débloquée en août.

«Mais aujourd’hui [dimanche], c’était la course la plus dure. […] On sent venir la fatigue, ça tombe dans les jambes.»

Boucher prendra donc le temps de se reposer, de guérir une blessure à l’aine, qui assure-t-il, ne l’a pas ennuyé sur la glace, et de jouer au golf intérieur avec ses amis, avant de refouler l’anneau du Centre de glaces afin de défendre son titre aux Pays-Bas l’an prochain.

Toujours populaire

Et même si le patinage de vitesse est une religion dans ce pays, Victor van den Hoff croit que Boucher est peut-être plus populaire là-bas qu’au Canada.

«Il a été un grand champion, a rappelé le principal rival du Québécois. Toute ma génération connaît le nom de Gaétan Boucher. Tout le monde l’a vu à la télévision, aux Olympiques. À cette époque, nous n’avions pas vraiment de grands champions, alors les gens ont encouragé le meilleur.»

Et le sympathique Néerlandais s’attend même à ce que les spectateurs soutiennent autant Boucher que lui lors des prochains Jeux mondiaux.

Jamais oublié

Mais ce week-end, dans sa ville natale – il a vu le jour dans l’arrondissement de Charlesbourg – Boucher a été la grande vedette. Les gens ne l’ont pas oublié, se levant pour l’applaudir chaque fois qu’il passait devant les gradins bondés. Et il leur a bien rendu, non seulement en triomphant, mais en prenant le temps de parler avec eux et de prendre des photos.

«C’était incroyable les encouragements de la foule, avec la famille et les amis, a apprécié Boucher. C’est le plus beau deux semaines, même dans le temps des Olympiques.»

La majorité des spectateurs ne l’avait jamais vu à l’œuvre lors d’une compétition. C’était notamment le cas de Nicolas Boucher, un neveu de la légende vivante.

«Je suis vraiment fier de pouvoir le voir patiner et l’atmosphère est extraordinaire, a-t-il dit. Mon fils qui va bientôt avoir 5 ans est un peu jeune pour réaliser ça, mais il a dit qu’il voulait commencer à patiner.»

Boucher tentera d’aller inspirer Laurent Dubreuil et ses coéquipiers aux Championnats du monde simple distance, au début mars à Heerenveen, aux Pays-Bas. Il en profitera aussi pour visiter ses fils qui habitent en Allemagne et à Amsterdam.