EXCLUSIF | Logan Mailloux raconte son histoire pour la toute première fois
LONDON | «Je ne suis pas vraiment nerveux. Je suis plutôt excité.»
Pour la toute première fois depuis le jour de son repêchage en juillet 2021, Logan Mailloux pouvait se poser tranquillement, regarder un journaliste dans les yeux et lui raconter son histoire.
Voyez l’entrevue complète accordée par Logan Mailloux à Anthony Martineau en vidéo principale.
Sa fébrilité s’expliquait donc extrêmement bien, d’autant plus que lors des deux autres occasions où il s’était exprimé publiquement en tant qu’espoir des Canadiens, il n’avait été questionné (sans surprise) qu’au sujet des événements de 2020 l’impliquant, événements ayant, 29 mois plus tard, été largement documentés sur toutes les plateformes de nouvelles nord-américaines.
À l’exception des deux prises de parole mentionnées ci-haut, le CH avait toujours, jusqu’ici, interdit l’accès au jeune homme de 19 ans, déclinant systématiquement toutes les demandes d’entrevues faites à son endroit.
Mais début octobre, une déclaration de Kent Hughes a fait germer une idée dans la tête de l’auteur de ces lignes.
«La présence de Logan autour des membres de notre équipe pendant une bonne partie de l’été nous a permis de mieux le connaître et l’apprécier», avait déclaré le DG après avoir offert à Mailloux son premier contrat dans la LNH.
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Le patineur était donc aimé de l’organisation au point où celle-ci jugeait bon d’en faire un membre officiel malgré la controverse. Mais l’opinion publique, elle, tentait tant bien que mal de comprendre l’amour et l’engouement du club envers cet athlète qui n’avait été à ce moment présenté que sous une seule et bien peu glorieuse facette.
Le «pitch» de vente à Chantal Machabée, vice-présidente aux communications du CH, fut donc celui-ci : «Chantal, avec ce contrat, Logan est maintenant un Canadien de Montréal. Que dirais-tu de lui donner l’occasion d’être approché comme tel et de recevoir le même traitement que les autres espoirs du club?»
Sa réponse ne tarda pas. «C’est une excellente idée, honnêtement. Logan a tellement à offrir sur le plan humain. Les gens vont l’adorer quand ils le connaîtront vraiment. Je dois par contre obtenir l’aval de Jeff Gorton.»
Mais ce ne fut qu’une formalité.
Après quelques semaines où les échanges avec le CH ont, il faut le préciser, toujours été des plus cordiaux et fluides, tout était en place.
Direction London, où nous attendait un Logan Mailloux prêt à se livrer comme jamais et surtout… bien heureux de le faire.
Une renversante aisance… en français!
«Je veux remercier tous les partisans des Canadiens qui me soutiennent depuis un an et demi et qui sont restés avec moi. Vous m’avez aidé. Je sais que ça n’a pas toujours été facile, mais je l’apprécie beaucoup. Maintenant, je veux juste ramener la coupe Stanley à Montréal.»
En ce froid jeudi matin de février et depuis le chaleureux restaurant du Budweiser Gardens (domicile des Knights de London), c’est avec tout l’aplomb possible que Logan Mailloux lance cette déclaration… dans un français sans reproche. On le savait capable de quelques mots dans la langue de Molière, mais pas au point d’être si convaincant lors d’une discussion.
«Le grand-père de mon père est francophone, poursuit-il en français. Mes parents comprennent la langue, mais la parlent très mal! Ma sœur et moi avons été à l’école primaire en français. Dans son cas, elle a aussi fait son secondaire dans cette langue alors que ça a duré jusqu’en huitième année de mon côté.
«J’ai ensuite été cinq ans sans m’exercer. Mais quand j’ai été repêché par les Canadiens, je me suis immédiatement remis dans mes leçons de l’époque. Je voulais que ça revienne rapidement.»
Lorsqu’on lui fait remarquer que son niveau est impressionnant, l’imposant arrière fait preuve d’humilité.
«Ce n’est pas encore parfait, mais je pratique beaucoup. Je veux être en mesure de pouvoir discuter avec tous les partisans des Canadiens, une fois à Montréal.»
Une famille «compétitive»
Logan Mailloux est le plus jeune enfant d’une famille en comptant deux. Sa sœur évolue en troisième division au sein d’une ligue collégiale de crosse. Elle défend les couleurs de l’Université Bethany, dans l’état de la Virginie.
Son père, lui, est un policier maintenant retraité, alors que sa mère est une agente immobilière. Tous les quatre ont donc (ou ont eu) des occupations quotidiennes demandant une indéniable fougue.
«Nous sommes une famille où tout le monde est en grande forme donc je te dirais qu’il y a toujours eu de la compétition pour tout, à la maison!», rigole Mailloux.
C’est sans doute cet amour pour l’action qui a poussé les parents du jeune homme à l’initier très tôt au monde du hockey.
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«Dès que j’ai commencé à marcher, mes parents m’ont fait essayer le patinage. J’avais deux ans quand j’ai enfilé des patins pour la première fois! J’ai intégré ma première équipe à l’âge de trois ans. Le temps passe vite!
«J’ai commencé à me rendre compte que j’avais une chance de réaliser quelque chose d’intéressant au hockey lors de ma première année “bantam”. J’analysais mes performances et je me suis mis à croire que je pourrais peut-être réaliser mon rêve de toujours : jouer dans la Ligue nationale de hockey.»
Tomber dans l’œil des frères Hunter
À l’âge de 16 ans, Mailloux évolue pour les Marlboros de Toronto, un club de la Greater Toronto Hockey League (U16 AAA).
Le directeur général des Knights de London (son club actuel), Mark Hunter, raconte la première fois où il a vu le défenseur à l’œuvre.
«C’était lors d’un tournoi il y a trois ans. C’était un gros gars qui pouvait patiner, mais aussi passer et lancer la rondelle avec vigueur. Il était rès visible sur la glace, mais dans le bon sens. Ça m’a immédiatement attiré.»
Quelques mois plus tard, en mai 2019, les Knights et Hunter font de Mailloux leur choix de deuxième ronde (33e au total) lors du repêchage de l’OHL.
«Je pense être le défenseur offensif recherché par les fans du CH»
Et voilà que le jeune homme est aujourd’hui l’un des meilleurs défenseurs offensifs du circuit.
À l’heure actuelle il compte 17 buts et 36 points en 38 matchs. Sa moyenne de filets par partie est la deuxième plus convaincante de la ligue chez les arrières.
Globalement, l’athlète revendique 20 buts en 54 parties dans l’OHL. Il est le défenseur le plus rapide à avoir atteint ce plateau en plus de 20 ans dans cette ligue.
Mailloux ne cache pas que le fait d’être repêché par le CH lui a donné une bonne dose d’adrénaline. Tout ça, dit-il, a assurément aidé son développement.
«Je m’entraîne très fort depuis ma sélection et je crois vraiment que mon jeu progresse bien à tous les niveaux, pour être franc. Nous avons ici d’excellents entraîneurs qui nous poussent constamment.»
«C’est le quart-arrière de notre équipe, confirme Hunter. Il bouge tellement bien la rondelle, que ce soit par une bonne passe ou en la transportant. Je pense que c’est une qualité très importante à maîtriser pour quiconque souhaite s’établir dans la LNH.»
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Fans du CH, vous avez été interpellés par le terme «quart-arrière»? C’est normal, considérant que c’est l’un des rôles vacants au sein du club.
La question suivante se posait donc d’elle-même : «Logan, penses-tu éventuellement être en mesure d’être ce gars, mais à Montréal?»
«Oui, je pense vraiment être le défenseur offensif tant recherché par les fans du CH et je compte tout mettre en œuvre pour y parvenir. J’ai à mes côtés un excellent entourage qui m’aide quotidiennement à atteindre le meilleur de mon potentiel. L’équipe de développement à Montréal et le groupe d’instructeurs ici ne me lâchent pas d’une semelle! Je suis confiant pour la suite des choses.»
Mark Hunter, pourtant loin d’être un fan des entrevues à la caméra, semble oublier celle-ci l’instant d’un moment et y va d’une prédiction.
«Je pense que sa production LNH se situera entre 40 et 60 points, dépendamment de la qualité offensive du groupe d’une année à l’autre. En toute franchise, les partisans des Canadiens ont toutes les raisons d’être excités au sujet de Logan.»
«Personne ne me fait peur sur la glace»
Mailloux peut donc lancer la rondelle avec vigueur, tout comme il peut la passer avec précision, la contrôler avec aisance et la transporter avec vitesse. Mais il a aussi en lui une irréfutable touche de robustesse, voire de méchanceté sur la glace.
On a pu voir le colosse défendre sans retenue ses coéquipiers ou se servir de ses épaules à de nombreuses reprises, ces derniers mois.
«J’ai toujours eu cette hargne en moi, précise-t-il. Personne ne me fait peur sur la glace. Je serai toujours là pour me défendre ou pour aider un coéquipier si j’ai à le faire. Ça fait partie du rôle d’un leader.
«Je trouve important d’être en mesure d’être polyvalent. S’il y a un moment où je dois être offensif, je le suis. S’il y a un moment où je dois me tenir debout pour faire face à un adversaire, aucun problème»
«Je sais que je n’ai pas que des fans»
Les atouts de Logan Mailloux, qui confie vouloir calquer son style de jeu sur ceux de Brent Burns et Seth Jones, sont tout aussi nombreux qu’ils sont flagrants. Mais aussi bon soit-il, le hockeyeur parfait n’existe pas.
Le jeu défensif de l’Ontarien sera indéniablement à polir d’ici sa première audition LNH. Le point positif, c’est qu’il le sait pertinemment.
«Je pense que je pourrais améliorer mes lectures en zone défensive et la distance que je laisse (gap) entre le porteur de la rondelle et mon bâton», analyse-t-il avec minutie.
Mark Hunter abonde dans le même sens.
«Parfois, il doit mieux gérer sa prise de risques en considérant le pointage. Mais croyez-moi : il a tous les outils pour réussir à corriger cela.»
Mailloux n’est cependant pas prêt à donner raison à ceux qui avancent qu’il est constamment en difficulté dans son territoire.
«Je ne dirais pas ça, non (rires)! Évidemment, il y a toujours place à l’amélioration. Mais tu ne feras jamais l’unanimité, en bout de ligne. Je sais que je n’ai pas que des fans, mais je suis parfaitement à l’aise avec ça. De toute façon, je sais quoi faire pour être le meilleur joueur de hockey possible.»
À Montréal dès l’an prochain?
Si Mailloux n’a «pas que des fans», comme il le mentionne clairement, il peut assurément compter Francis Bouillon parmi ses principaux admirateurs.
En entrevue sur les ondes du 98,5 FM récemment, l’entraîneur au développement des joueurs du Tricolore a confié qu’il considérait le défenseur comme «l’espoir du club le plus près de la LNH».
«C’est un honneur d’avoir été cité de la sorte par Francis Bouillon, commente le principal intéressé. Mais ultimement, il faudra quand même que je force la main des dirigeants en octobre prochain.»
Et croit-il être en mesure d’y parvenir?
«Je pense que mes chances sont bonnes. C’est assurément mon objectif. Je veux me présenter au camp l’an prochain et devenir un membre officiel de cette équipe. Il y aura une bonne compétition, mais c’est la même chose à toutes les années : tu dois te battre pour gagner ta place.»
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Le natif de Belle River a eu en octobre un aperçu du genre de lutte qu’il devrait mener dans quelques mois, alors que le CH lui a donné l’opportunité de pratiquer avec l’équipe régulière pendant quelques jours. Et disons simplement qu’il n’avait pas l’air d’une recrue du tout!
«Tu pouvais voir que le rythme et le niveau de compétition étaient extrêmement relevés. Les gars sont vraiment engagés, donc tu dois te pousser au maximum si tu veux rivaliser avec eux. Mais je suis satisfait de la carte de visite que j’ai laissée.»
Nick Suzuki, le modèle
Logan Mailloux, tel que mentionné précédemment, a passé une bonne partie du dernier été à Montréal. Il s’agissait de sa première visite en ville.
«J’ai adoré ça», s’empresse-t-il de préciser.
Des informations ont circulé ces derniers mois à l’effet que Mailloux avait été accueilli de très belle façon par Nick Suzuki dans la métropole. Le #24 des Knights approuve rapidement.
«Nick a été très bon avec moi. Il est le plus jeune capitaine de l’histoire de l’équipe. Je l’ai beaucoup observé cet été et je compte continuer à le faire pour être en mesure de progresser sur tous les plans.»
«Ce moment m’a vraiment fait chaud au cœur»
Le 5 octobre dernier, Logan Mailloux, contre vents et marées, signait son premier contrat LNH. Il n’a évidemment rien oublié des détails de cette journée.
«Kent Hughes m’a appelé à son bureau au début du camp et m’a dit qu’il souhaitait officialiser mon association avec l’équipe avant mon départ vers London. Je ne pouvais pas m’arrêter de sourire! Ce moment m’a vraiment fait chaud au cœur.
«Mes parents étaient aussi très excités! Ils ont été là pour moi depuis le début et ont fait tellement de sacrifices! Disons qu’ils cachaient très mal leur joie.»
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La prochaine étape pour Logan Mailloux et sa famille sera maintenant d’attendre la décision des dirigeants de la LNH qui devront trancher dans les prochains mois à savoir s’ils permettent officiellement au jeune homme d’intégrer les rangs du circuit.
Le commissaire Gary Bettman a toutefois tenu des propos rassurants à ce sujet lors d’un récent passage à Montréal.
«Je crois que selon les circonstances et la personne, il est possible d’avoir droit à une deuxième chance», a-t-il mentionné.
Je me permets ici une prise de position personnelle. Mon séjour aux côtés de Logan et les informations dont je dispose m’indiquent qu’on a sous les yeux un garçon sensible et conscient de la gravité du geste qu’il a posé.
Il a également démontré un désir clair de se réhabiliter et a pris de véritables et nombreuses initiatives en ce sens, tout en affichant très souvent plusieurs regrets. Important de rappeler qu’il a aussi payé sa dette envers la justice.
Considérant que même les pires criminels peuvent repartir à neuf une fois leur peine purgée, peut-on maintenant permettre à Logan Mailloux d’avancer?