UFC: Yohan Lainesse, cœur de lion
Lorsqu’il s’apprête à risquer sa vie dans l’octogone, Yohan Lainesse consacre toujours une pensée aux êtres chers qu’il a perdus… et à l’invraisemblable parcours qu’il a emprunté pour atteindre l’UFC.
En consultant les réseaux sociaux de l’athlète de 30 ans, on y voit un homme impliqué dans sa communauté et dans la promotion des arts martiaux mixtes au Québec, un homme qui veut d’abord et avant tout véhiculer un message positif.
La route a toutefois été sinueuse avant que Lainesse puisse dresser le félin en lui pour devenir le «White Lion».
«Moi, à l’école, c’était les classes spécialisées, les troubles de comportement, les cheminements temporaires. J’ai souvent été dans des classes un peu turbulentes», confie le natif de Varennes lors d’un entretien téléphonique.
Comme un nombre inimaginable d’athlètes qui l’ont précédé, il a été sauvé par le sport. Les arts martiaux mixtes ont toutefois dû patienter pour faire leur entrée dans le portrait, car c’est à l’aide de patins et d’un bâton que Lainesse a retrouvé le droit chemin.
«En secondaire 3, je suis tombé en sport-études hockey et ma moyenne [a grimpé à] 80 %, raconte-t-il. C’est le sport qui m’a amené à canaliser mes émotions et mon énergie de façon positive.»
Environ 15 ans plus tard, il s’apprête à disputer un 11e combat professionnel et un troisième dans la plus prestigieuse organisation d’arts martiaux mixtes sur la planète, et ce, seulement huit années après avoir enfilé les gants sérieusement pour la première fois.
La bataille du Nord
Ainsi, Lainesse (9-1-0) partagera l’octogone avec l’Ontarien Mike «Proper» Malott (8-1-1) samedi prochain, au T-Mobile Arena de Las Vegas, dans le cadre d’un gala UFC Fight Night.
Respectivement classés 55e et 58e chez les poids mi-moyens selon le site spécialisé RankingMMA, Lainesse et Malott sont considérés comme les meilleurs combattants canadiens de leur catégorie.
Après une défaite par K.-O. face à Gabe Green et une victoire controversée par décision partagée face à Darian Weeks, le Québécois a modifié son approche en camp d’entraînement.
Il s’est notamment mis à fréquenter davantage le centre Tristar Gym, à Montréal, où il côtoie l’entraîneur réputé Firas Zahabi et un certain Georges Saint-Pierre.
«Je suis un gars très discipliné qui travaille extrêmement fort, mais qui travaille parfois seul, avoue Lainesse. Je fais beaucoup plus de “sparring” et j’échange beaucoup plus en simulation de combat avec plusieurs partenaires différents.»
Contre Malott, le «White Lion» profitera d’un avantage de trois pouces sur le plan de la portée. S’il assure qu’il a les qualités physiques nécessaires pour disposer de son compatriote, Lainesse croit que le pugilat se jouera d’abord et avant tout entre les oreilles.
«C’est un combattant qui a les défauts que j’avais avant. Il n’a pas souvent vu le deuxième ou le troisième round. On voit que c’est un gars très émotif, très explosif. Ça peut être un combat qui va prendre beaucoup de temps et qui va être frustrant.»
«J’ai confiance en mes moyens pour savoir comment dicter le combat et être opportuniste quand ça va être le bon moment.»
Sérénité
En vertu des clauses du premier contrat qu’il a paraphé, Lainesse devrait disputer au moins un autre combat dans l’UFC. En tant que «late bloomer», il est en paix avec le fait de se donner «quatre, cinq, six ans maximum» avant d’ouvrir un nouveau chapitre dans sa vie.
Que ce soit à l’Académie Connexion — son centre d’entraînement à Saint-Amable —, en tant qu’arbitre ou dans le monde des médias, Lainesse ne manque pas d’options pour son après-carrière.
D’ici là, il entend bien faire honneur à son sobriquet et devenir le roi de la jungle dans l’organisation de Dana White, et par le fait même, rendre hommage à son grand-père et sa tante qui ont perdu la vie dans les dernières années.
«Souvent, après mes victoires, je me remets un peu en question. Est-ce vraiment ce que je veux faire? Est-ce que tous les sacrifices, tout le travail [en valent la chandelle]? Mais j’ai toujours le feu sacré en moi. Je suis à la bonne place et je veux vraiment aller jusqu’au bout de cette expérience.»
Un combat de développement
Lainesse n’a peut-être pas offert une performance éclatante lors de son dernier combat, le 10 septembre, mais il en a soutiré une expérience inestimable.
Présenté en carte préliminaire du gala UFC 279 au T-Mobile Arena de Las Vegas, le duel l’opposant à l’Américain Darian Weeks s’est soldé par une courte victoire du «White Lion» par décision partagée.
Les trois juges avaient remis des cartes identiques pour les deux premiers rounds. Au terme d’un troisième assaut chaudement disputé, une neuvième victoire s’était ajoutée à la fiche de Lainesse.
«Quand je regarde le combat avec du recul, je pense mériter la victoire, estime le principal intéressé. Honnêtement, je n’ai eu aucun dommage et je n’ai mangé aucun coup significatif. Le troisième round, je pense que j’ai su lancer les meilleurs coups.»
Reconnu comme un marchand de K.-O. — il a mis fin à six de ses huit combats précédant son arrivée dans l’UFC de façon prématurée —, Lainesse a dû adapter son plan de match depuis qu’il a commencé à se frotter aux plus redoutables combattants professionnels.
«Je suis un gars, d’habitude, très explosif, qui termine ses combats de manière expéditive au premier round. Ça joue un peu contre moi en ce moment, parce que je suis rendu dans la grande ligue avec les meilleurs au monde», concède celui qui est à la recherche d’un premier K.-O. dans l’UFC.
Pour une rare fois, face à Weeks, un de ses combats s’était rendu à la limite. Cela lui a permis de s’aventurer en eaux méconnues.
«Je n’ai pas eu beaucoup d’expérience du genre. Ce que je voulais faire dans ce combat-là, c’était de faire trois rounds, d’essayer d’allonger le combat pour prendre le plus d’expérience possible.»
«J’ai fait ça à la perfection. J’ai vraiment travaillé avec mon jab et mon jeu de pieds. Quand [Weeks] a réussi à faire des amenés au sol, je me suis relevé dans les trois secondes suivantes. Mon plan était suivi à la lettre.»
Cette nouvelle patience pourrait rapporter gros à Lainesse lorsqu’il sera de retour dans l’amphithéâtre des Golden Knights de Vegas pour affronter le Canadien Mike Malott, samedi. L’athlète de 31 ans n’a jamais remporté un combat par décision des juges et est caractérisé par une certaine impulsivité dans l’octogone.
«Plus le combat va s’allonger, plus ça va être en ma faveur», résume Lainesse.