La raison pour laquelle Woods persiste encore
J’aime la pluie. Je trouve ça beau, la pluie. Quand les éléments s’en mêlent, ça ajoute à l’histoire. J’étais devant mon ordinateur, j’essayais de mettre des mots un devant l’autre pour pondre un texte qui raconterait cette journée de misère à Augusta. J’essayais de rendre ça beau, je m’efforçais de trouver un angle «positif». Mais en vain. Et soudain, en cliquant sur l’onglet vidéo sur le site officiel du Masters, je suis tombé sur une vidéo, qui m’a traversé. Qui m’a chamboulé.
Je me souviens de cette fois, avec mon père, et mon oncle, en Alberta, où Dame Nature nous a passé à la douche. Alors au huitième, loin du chalet, nous étions pris. Pris au piège. Et dans un regard complice que mon oncle m’a lancé, j’ai compris: profite du moment. Tu ne peux rien contre les éléments. Coup après coup, on essuyait nos prises, on tentait de trouver des solutions. Mais au fond, on s’amusait. On était vivants, sur un majestueux terrain de golf, en train de pratiquer le plus beau sport au monde.
Trois ans plus tard, sur les allées du légendaire Crowbush Cove Links de l’ile du Prince Édouard, ça recommençait. Encore, un ciel gris foncé, le vent qui soufflait, les vagues du Golf du Saint-Laurent qui cognaient contre la grève… Notre visite chez nos amis des Maritimes n’allait pas être de tout repos. Encore une fois… regard complice à mon partenaire de jeu, Anthony. «Ah, pis, qu’est ce que tu veux qu’on y fasse? Profitons-en.» Coup après coup, on essuyait nos prises, on essayait de trouver de solutions. On évitait l’eau qui s’accumulait au sol, on frappait minimum trois bâtons de plus à chaque coup. Mais on était là. On était vivants.
L’indice qu’il mouille fort: la goutte qui pendouille au milieu de la palette de ta casquette. Elles étaient six à faire la file, les gouttes, cet après-midi.
Il est à +9. Tiger Woods est +9. Quand je l’ai vu boîter, avoir toute la misère du monde à se rendre à son sac, quand j’ai remarqué le tableau, quand je l’ai vu avec sa tuque, par-dessus sa casquette, ses pantalons de pluie, je n’ai pas pu m’empêcher: pourquoi? Pourquoi endurer tout ça, encore? Tu l’as fait. Plusieurs fois. Tu n’as plus rien à prouver. Tu es le plus grand.
Et là, j’ai vu la vidéo. J’ai compris. C’est Augusta. C’est le Tournoi des Maitres. C’est le plus grand événement sportif au monde (Pour moi! On s’obstinera plus tard). C’est unique. Et quand tu as le privilège de fouler les allées d’Augusta, même bon dernier, tu y vas, tu essuies tes prises, tu essaies de trouver des solutions. Tu es vivant. Tu es là.
C’est pour ça qu’il y est encore.
Je ne sais pas si c’est le dernier Tournoi des Maîtres de Tiger Woods. J’espère que non. Mais si c’est le cas, ces dernières images me conviennent. Ces dernières images sont parfaites. C’est rien de moins que de la poésie. Tiger avec la goutte de pluie au milieu de sa casquette en train d’essayer de trouver des solutions, en train d’essuyer ses prises de bâton.
Tous les plus grands films d’amour ont une scène dans la pluie. Au plus fort de la crise, dans le chaos, les personnages principaux se retrouvent sous la pluie, pour un moment d’intensité sans pareil. Plusieurs films sportifs magiques, notamment mon préféré de tous les temps (En souvenir des Titans), comporte une scène sous la pluie.
Et j’ai bien l’impression que les Dieux du golf ont décidé que c’est de cette façon que le veston vert allait se gagner cette année. Des rondes ralenties par les intempéries, le jeu suspendu, des journées de 27 trous, le suspense de ne pas savoir si le veston sera remis dimanche ou lundi. Dans le froid, dans la pluie, dans l’incertitude. Ils devront essuyer leurs prises et trouver des solutions.
Mais une chose est sûre, quand les meneurs passeront du neuvième au dixième dimanche (ou lundi)… ils seront vivants.
La suite?
Le jeu doit reprendre demain dès 8h30 et, dans un monde où il fait soleil et 15 degrés, les quatrièmes rondes débuteront à 14h.
Koepka est encore en tête, avec 30 trous de golf à jouer encore. Il est devant Rahm par quatre coups. La poussée de Mickelson aujourd’hui est remarquable. Son magnifique roulé au sixième nous rappelle le Phil qui possède trois vestons verts à la maison. À égalité en huitième position, il n’aura pas à rougir de sa performance s’il réussit à demeurer dans le top 10.
Mais le golf, ça va vite. Il peut se passer un monde de choses entre demain matin et dimanche soir (ou lundi.) Une chose est sûre, cette édition du Masters restera dans nos têtes pour longtemps.
Ça mérite une distinction.
Avez-vous téléchargé l’application du Masters? Non? Allez-y! Vous la supprimerez lundi.
Le gagnant dans la catégorie «Meilleure application pour téléphone intelligent pour suivre un événement de la vie» : celle du Masters.
Que ce soit le PGA TOUR, la LIV, la ligue des «sliceux» de Cowansville… de grâce, trouvez le génie derrière cette application et donnez-lui… ce qu’il veut. Littéralement, ce qu’il veut.
L’application était déjà très bien faite. Mais cette année, la façon de suivre les joueurs, de trouver ce que tu cherches en sept secondes, la radio du Masters… et la description par… l’intelligence artificielle.. je suis assommé! Et j’ai peur.
Bonne finale demain. Vivez-la pleinement. Rappelez-vous: nous sommes vivants!