Vince McMahon: l’une des pires biographies écrites

La biographie de Vince McMahon, écrite par Abraham Josephine Riesman, est l’une des sorties de livres que j’attendais le plus cette année.
Pour la première fois de l’histoire, à un moment où tout a chamboulé pour le grand manitou de la WWE, on allait enfin avoir, en mots, toute son histoire.
Du moins, c’est ce à quoi je m’attendais.
Et malheureusement, j’ai été déçu. Non pas parce que mes attentes étaient trop élevées. Mais simplement parce que le livre, à bien des égards, n’est pas très bon.
Premièrement, vous devez connaître certaines informations sur l’autrice afin de mieux comprendre la suite. Née au milieu des années 1980, elle a déjà été, de son propre aveu, fan de lutte, mais pendant deux très courtes périodes. Très jeune, vers l’âge de 6 ans, alors que son héros était Hulk Hogan. Puis en 1999, durant l’ère attitude, comme bien des adolescents d’ailleurs. Mais par 2001, c’était déjà terminé et elle n’a plus jamais suivi le produit par la suite.
Si bien que tout au long de l’ouvrage, on a l’impression que l’autrice a du mépris envers la lutte professionnelle. Dans la première moitié du livre, chaque fois qu’elle en a la chance, elle prend des détours pour raconter les côtés les plus sombres de la lutte et de ses acteurs. Elle termine même un des chapitres en citant un ancien journaliste qui a dit « quand la lutte devient une grande histoire américaine, il faut la tirer dans la tête! »
Subjectivité et côtés obscurs
Quand on écrit une biographie, on introduit des personnages. On doit alors faire un descriptif de cette nouvelle personne dans l’histoire.
Pour Hulk Hogan, l’autrice a choisi de dire, entre autres, qu’Hogan était le seul homme blanc à travailler au port de Tampa avant de devenir lutteur professionnel. Puis, tout de suite après, dans une parenthèse de plusieurs lignes, elle décrit l’épisode de propos racistes que Hogan a tenus des décennies plus tard.
Même chose avec l’Ultimate Warrior.
Elle commence son descriptif avec les propos racistes et homophobes que Warrior a tenus à l’Université du Connecticut en 2005, des années après sa carrière de lutteur.
Dans les deux cas, ces propos, bien que vrais, n’ont rien à voir avec Vince McMahon.
Et c’est un autre problème du livre.
On se demande à plusieurs occasions quel est le sujet du livre. Une biographie sur McMahon? Un livre sur l’histoire de la WWE? Un livre sur le côté obscur de la lutte?
Parce qu’il y a une différence entre parler du présumé meurtre de Nancy Argentino par Jimmy « Superfly » Snuka, du scandale sexuel du début des années 1990 et du scandale des stéroïdes, toutes des histoires dans lesquelles Vince McMahon est impliqué de près ou de loin, et rappeler un côté sombre d’un lutteur qui n’a rien à voir avec lui. Comme si elle avait un désir de démontrer que McMahon s’était associé à de mauvaises personnes dans sa vie.
Autre exemple.
Elle décrit WrestleMania V comme un spectacle de lutte sexiste et non pas comme la culmination d’un des meilleurs scénarios de l’histoire de la compagnie, avec la rivalité entre Hogan et «Macho Man» Randy Savage. Sexiste parce que la championne féminine ne luttait pas – elle chantait America the Beautiful – parce qu’il n’y avait aucun match de lutte féminine, parce que le tout était tenu dans un amphithéâtre appartenant à Donald Trump et parce que la seule femme ayant un rôle dans le spectacle, Miss Elizabeth, avait été placée dans un scénario où elle devait choisir entre deux hommes et qu’elle a été envoyée aux douches par l’arbitre après les avoir aidés tous les deux.
Vous comprenez ce que je veux dire?
Parfois, le mépris est plus subtil. C’est un choix de mots, une fin de paragraphe qui entretient le fou sur ce que l’autrice nous suggère. Il y a beaucoup de non-dits.
Riesman ne comprend pas et ne connaît pas le monde de la lutte et ça parait tout au long de la lecture. Elle prend beaucoup trop à la lettre les propos d’Hulk Hogan tirés de ses deux livres. Il est connu qu’Hogan s’est inventé une certaine réalité avec les années.
Elle laisse aussi beaucoup de place à Lee Cole, le frère de Tom, un ancien monteur d’arène qui avait poursuivi la WWF, accusant certains de ses employés de l’avoir agressée sexuellement. Le tout avait créé tout un tollé d’ailleurs au début des années 1990. Ce que je reproche à l’autrice est son manque d’objectivité dans le dossier. Tout ce que Lee Cole dit est principalement écrit comme étant factuel, alors qu’elle ne cite pas une seule fois les mémoires de Pat Patterson ou bien Bertrand Hébert, qui a justement été interviewé pour cette biographie.
Pourtant, si Mel Phillips et Terry Garvin, les deux autres employés montrés du doigt, ne sont jamais revenus dans la compagnie, Patterson, innocent dans ce dossier, est revenu à la suite d’une enquête indépendante, enquête qui n’a jamais été mentionnée dans l’ouvrage.
Elle ne parle d’ailleurs pas du tout de l’équipe créative que formaient Pat Patterson et Vince McMahon pendant des années. McMahon a beaucoup appris du Québécois du point de vue des scénarios, alors que l’inverse est aussi vrai du point de vue des affaires.
J’ai toujours cru que la subjectivité n’a pas sa place dans une biographie et c’est ce que je dénonce ici.
L’enfance de McMahon: vraiment intéressant
Je serai donc moi-même objectif ici. Tout n’est pas mauvais.
Les premiers chapitres, dédiés à l’enfance et l’adolescence de McMahon, sont vraiment intéressants. L’autrice a vraiment fait ses devoirs et a interviewé plusieurs personnes qui ont connu Vince quand il était plus jeune et qui ont connu sa famille reconstituée. On y trouve donc plusieurs nouvelles informations qui n’avaient jamais été publiées auparavant.
Tout ce qu’on savait, c’est qu’il n’avait connu son père, Vincent James McMahon, qu’à l’adolescence. On sait maintenant, par exemple, que pendant longtemps, il était connu sous le nom de Vinnie Lupton, le nom de famille de son beau-père. Certaines personnes l’ayant connu plus jeune n’ont su que dernièrement que Vinnie Lupton était le Vince McMahon de la WWE.
Mais c’est, très sérieusement, le seul point positif du livre. Je n’ai absolument rien appris d’autre par la suite.
Beaucoup trop de verbatim
La seconde partie du livre n’est pas racontée de la même manière. On ne va plus chercher le côté sombre des nouveaux personnages comme Shawn Michaels, Bret Hart et Steve Austin.
Plutôt, Riesman fait des transcriptions complètes de promos ou encore, de comptes-rendus de ce que McMahon, Jim Ross ou Jerry Lawler pouvaient dire aux commentaires. On en voit dans la première partie du livre, mais c’est encore plus présent dans la deuxième.
Par exemple, on a la transcription entière de l’entrevue entre Vince et Mélanie Pillman, à Raw, le lendemain du décès de Brian Pillman. On a l’entièreté de la promo de Bret de 1996, lorsqu’il avait signé son contrat avec la WWF et que l’on avait tourné cette signature en scénario. On a la promo complète du Warrior à Raw, la veille de son décès. On a en fait plusieurs verbatim des promos du Warrior. Et aussi, la transcription de ce qu’on entend à Raw lorsque Mike Tyson et Steve Austin se chamaillent.
Le tout prend de l’espace et ne nous donne absolument rien de nouveau sur Vince.
Aucun détail sur des sujets importants
D’ailleurs, cette seconde partie est encore plus décevante que la première, si c’est seulement possible. Non seulement il y a les nombreuses transcriptions, mais l’histoire se termine en 1999.
Oui. Vous avez bien lu. 1999.
Alors que le lecteur termine le chapitre sur l’année 1999, il se rend compte qu’il ne reste que 20 pages au livre. J’en étais abasourdi!
Dans ce dernier chapitre, l’autrice parle de tous les liens entre Vince, Linda McMahon et Donald Trump. Riesman parle également d’elle, de sa sexualité (elle s’identifie comme transgenre et est en processus de devenir une femme), de sa relation avec la lutte, de comment elle a été intimidée par des admirateurs de « Stone Cold » Steve Austin avant de redevenir une adepte elle-même en 1999, toutes des choses qu’un biographe ne devrait jamais faire, c’est-à-dire devenir un personnage de son propre livre.
Elle termine en disant que la WWE a laissé une grosse marque sur la façon dont la société veut que les garçons grandissent. Elle ajoute que tous ceux qui étaient enfants dans les années 1980-1990 et qui sont maintenant dans des postes établis sont tous, d’une certaine façon, des enfants de Vince McMahon.
C’est malaisant à lire.
À l’inverse, on n’y retrouve aucun détail sur la création de SmackDown, l’achat de la WCW, la passation à une compagnie publique, le changement de nom et la poursuite du World Wildlife Fund.
Aucun détail non plus sur les ententes télévisuelles richissimes de 2018, sur la XFL et sur les scénarios des 20 dernières années.
Pas assez de place pour finir l’histoire
Je lisais une entrevue que Riesman a donnée et elle expliquait que l’histoire se terminait en 1999 parce qu’elle avait un nombre limite de mots à respecter.
Sérieusement?
C’est probablement la pire excuse jamais donnée. Le livre est vendu comme étant la biographie de Vince McMahon. Pas sa biographie jusqu’en 1999, il y a de cela 24 ans.
Pour avoir écrit quelques biographies, le nombre de mots est lié au nombre de pages. Le but est d’avoir des coûts d’impression raisonnable. Le rôle de l’auteur est donc de raconter l’histoire dans le nombre de mots prévus ou bien de couper dans le gras.
Couper dans le gras
Et à ce chapitre, ce n’est pas le gras qui manque!
Le livre contient 91 pages de notes de bas de page et d’index à la toute fin. Je répète, 91 pages! Ça n’a pas de bon sens.
Un chapitre au complet a été écrit sur l’histoire du « Higher Power », la fois où Vince s’était révélé être en arrière des plans machiavéliques de l’Undertaker. L’une des pires révélations de l’histoire de la WWE, mais un scénario qui, de son propre aveu, avait marqué l’autrice, ce qui en explique probablement la présence.
Ce chapitre inclut les débuts de Shane et de Stéphanie, sans toutefois aller dans les détails, et la mort d’Owen. Le tout se termine avec le verbatim complet de la fameuse promo: «It was me Austin. It was me all along!» de McMahon.
Elle passe beaucoup de temps à expliquer l’histoire du Général Adnan et de Saddam Hussein pour en arriver à l’histoire de la guerre du Golfe que la WWF a exploitée, alors qu’elle aurait pu arriver aux faits beaucoup plus rapidement.
Elle passe un chapitre presque complet à transcrire les segments au micro de McMahon à Memphis, quand il a commencé à être heel, avant son personnage de Mr. McMahon à Raw. Tout ça pour nous expliquer comment Jerry Lawler a été accusé, et acquitté, d’avoir agressé deux adolescentes.
On a cinq pages sur la relation entre Vince et Bret après le Montreal Screw Job et la mort d’Owen. Mais Bret est tellement présent dans l’histoire qu’on se demande à un certain moment si on est en train de lire la biographie de Bret Hart.
Il y a 10 lignes sur un «bronco buster», manœuvre que Shane fait à Vince dans un de leurs combats, avec une description très imagée de la façon dont les parties intimes de Shane se retrouvent près de la bouche de son père.
Pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi et pourquoi?
Si on enlève les transcriptions non nécessaires, les diatribes qui ne mènent à rien et qui ne servent pas l’histoire de Vince McMahon et les 100 pages de notes ou presque à la fin, il y aurait eu de la place pour terminer l’histoire jusqu’en 2022 au moins.
N’importe quel auteur moindrement reconnu dans le milieu de la lutte aurait fait un meilleur travail : Greg Oliver, Brian Solomon, Tim Hornbaker, Dave Meltzer ou Bertrand Hébert.
Et comprenez-moi bien.
La vie et la carrière de Vince McMahon ne sont pas parfaites. Loin de là. Mais il y a en masse de mauvaises choses à raconter sans être obligé de donner un œil au beurre noir à toute une industrie. Et même si elle n’a pas eu accès à un seul membre de la famille McMahon, la biographie n’étant pas autorisée, il y a assez d’informations publiques pour ne pas être obligé de faire du remplissage comme elle l’a fait.
Verdict : une des plus mauvaises biographies que j’ai lues.