Les recruteurs de la LNH captivés par un joyau en Norvège – TVA Sports
Le téléphone du directeur général de Vålerenga, la plus prestigieuse équipe de la ligue de hockey norvégienne, sonne sans cesse ces temps-ci. Ce sont les recruteurs de la LNH à l’autre bout du fil qui veulent se renseigner sur une jeune pépite au pays des montagnes, des glaciers et des fjords. Un dénommé Stian Solberg, admissible au repêchage de 2024.
«Ils m’appellent sans arrêt, raconte le DG de Vålerenga Anders Myrvold, ex-défenseur des Red Wings de Detroit. Ils ont beaucoup de questions et, évidemment, ils veulent le rencontrer. Ils sont excités. Ils voient ce qu’il peut offrir.»
Les comités de dépistage amateur des clubs de la LNH en ont déjà plein les bras avec des trajets en Suisse, en Finlande, en Suède, en Russie, en Slovaquie, en Tchéquie et en Allemagne. Cette saison, ils devront ajouter la Norvège à leur itinéraire, puisque Solberg, un défenseur gaucher très athlétique de 6 pieds 2 pouces, figure parmi les candidats à être repêchés au premier tour.
Comme de fait, lors de l’ouverture locale de Vålerenga, un contingent de la LNH particulièrement costaud pour un match en Norvège était présent pour l’occasion.
«Des représentants de 10 à 15 équipes de la LNH étaient attendus», confie Myrvold.
Plus récemment, l’espion suédois des Blues de St. Louis Stefan Elvenes s’est fait prendre en flagrant délit de dépistage par un journaliste local. Elvenes a bien tenté de cacher son jeu, mais il a fini par avouer la raison de sa présence : Stian Solberg.
Plus on en découvre sur les subtilités de son jeu, mieux on comprend d’où vient cette curiosité des équipes de la LNH.
Boule de quilles
«Il a tous les outils pour devenir un top 4 dans n’importe quelle équipe de la LNH, lance le DG de Vålerenga au téléphone. Il a ce qu’on appelle le “package”. Son gabarit et ses qualités de patineur font de lui un joueur rare et attrayant. Cette combinaison est difficile à trouver et elle est précieuse auprès des clubs de la LNH.»
Le plaidoyer de Myrvold devient plus passionné au fur et à mesure qu’il étaye son point de vue.
«Vous l’avez vu avec les Golden Knights de Vegas : tous leurs ***** de défenseurs étaient énormes, s’emporte-t-il. Solberg frappe fort et il aime frapper. Il a trouvé le bon timing pour frapper des joueurs au centre de la glace et le long des rampes.»
Jetez immédiatement aux oubliettes le stéréotype du gentil défenseur européen, doux comme du coton dans les coins de patinoire. Solberg est une vraie boule de quilles sur la glace et il en parle fièrement.
«J’aime jouer dur, confirme le principal intéressé en entrevue téléphonique avec le TVASports.ca. Mes plus grandes forces sont mes mises en échec et ma capacité à sortir la rondelle du territoire. À un moment donné, j’ai eu un déclic et j’ai appris à piéger les attaquants en les invitant à prendre l’intérieur pour ensuite les frapper. J’ai commencé à assimiler le timing.»
Un chemin atypique
Le service de recrutement indépendant Hockey Prospect a classé Solberg au 20e rang de sa liste préliminaire parue au mois de juin. «Il a été excellent au Championnat des moins de 18 ans au mois d’avril. Il est hyperactif sur la patinoire un peu comme Alexander Romanov», souligne le directeur de cette agence, Jérôme Bérubé.
La question qui brûle les lèvres : pourquoi un espoir avec un tel potentiel passe-t-il l’année de son repêchage dans une ligue aussi obscure que le circuit norvégien? Plusieurs équipes de la SHL, dont Färjestad et Frölunda, avaient manifesté de l’intérêt à l’endroit de Solberg.
«Beaucoup d’équipes avec lesquelles je discutais en Suède me disaient : “Oui, on croit que tu feras partie de notre groupe de six défenseurs partants.” Au final, les gens peuvent bien parler, ce ne sont que des paroles…», fait valoir Solberg.
On en déduit que les promesses de Vålerenga avaient plus de poids que celles des équipes suédoises.
«Ici, je joue en avantage numérique et j’ai beaucoup de temps de jeu, a plaidé Solberg. Tu dois déterminer ce qui est le mieux pour toi et j’ai choisi la Norvège, alors voilà. Je dois m’assurer au final que je serai sur la glace. En Suède, allaient-ils vraiment m’employer au sein de l’équipe première? Si je connais des difficultés, est-ce qu’ils m’envoient dans leur escouade des moins de 20 ans? Je voulais jouer contre des hommes. Il y a beaucoup de bons joueurs en Norvège. Des joueurs qui ont évolué en Suède, en Finlande et même dans la LNH.»
Pour beaucoup de partisans, la ligue norvégienne est une farce, l’équivalent d’une ligue de bières au Québec. Solberg en est conscient. Il veut que l’on comprenne que la ligue norvégienne est à prendre au sérieux.
«Tu as dû te demander : “Quels **** de gars évoluent là-bas?!”, lance Solberg à l’auteur de ces lignes, qui ne peut qu’en rire. C’est en fait une très bonne ligue. C’est l’une des ligues les plus sous-estimées au monde. Si tu allais voir nos matchs en personne, tu te dirais : “Ok, c’est un plus haut niveau que ce à quoi je m’attendais, il y a de bons joueurs ici.”»
Le problème avec la ligue norvégienne, c’est que la disparité entre les bonnes et les mauvaises équipes est assez importante. Mais Vålerenga, l’une des plus grandes organisations, peut rivaliser avec les poids lourds européens.
«Lors de notre camp préparatoire, nous avons affronté les meilleurs clubs allemands et nous avons battu les Grizzlys de Wolfsburg, indique Anders Myrvold, DG de Vålerenga. Nous avons également battu Malmö, un club de la SHL. Nos meilleures équipes sont à un très bon niveau en Norvège, elles sont simplement moins nombreuses que dans la SHL ou la DEL. La SHL a 12 clubs solides, par exemple.
«Si Vålerenga jouait dans la SHL, on pourrait rivaliser avec les autres clubs, mais ce qui finirait par nous rattraper, c’est la profondeur. On aurait besoin de tous nos meilleurs éléments. Si trois de nos gars se blessaient, on serait dans le trouble.»
Lorsque Anze Kopitar a été repêché en 2005, le préjugé slovène a joué contre lui. De bien moins bons joueurs ont trouvé preneur avant qu’il n’entende son nom au 11e rang. Certains directeurs généraux étaient craintifs à l’idée de réclamer un joueur de la Slovénie, et ce, même si Kopitar évoluait en Suède l’année de son repêchage.
Heureusement, les mentalités ont évolué depuis. N’empêche, Solberg joue dans une ligue qui sera difficile à évaluer. Il sera hasardeux de comparer ses performances à celles de ses pairs. Les recruteurs ne sont pas très familiers avec la ligue norvégienne, et c’est un facteur qui pourrait peser dans la balance.
Si cela peut rassurer quelques-uns d’entre eux, toutefois, Solberg a tiré son épingle du jeu contre les meilleures équipes européennes.
«Nous avons joué contre le club de Berlin, une des équipes les plus réputées en Europe, note Myrvold. Ils ont beaucoup d’anciens joueurs de la LNH dans leur formation. Et Solberg a très bien joué. J’étais curieux de voir comment il allait s’en sortir lorsque leurs joueurs canadiens les plus robustes allaient s’amener en échec avant. Il a cette audace, c’est comme s’il ne connaissait pas ce sentiment qu’est la peur. Il ne recule devant rien.»
Seulement huit Norvégiens ont foulé les patinoires de la Ligue nationale de hockey. Dans ce groupe, c’est Mats Zuccarello, de loin, qui a eu l’impact le plus important. Chez les Canadiens de Montréal, on retient le bref passage d’Andreas Martinsen, neuf matchs.
Le hockey norvégien semble toutefois prendre son erre d’aller. À preuve, aucun Norvégien n’a été repêché au premier tour dans l’histoire de la LNH, mais cette année il pourrait y en avoir deux. Stian Solberg, mais aussi l’attaquant Michael Brandsegg-Nygård.
«C’est un de mes bons amis, il joue à Mora en Suède dans la Allsvenskan, mentionne Solberg. J’ai vu qu’il a été classé 16e par “ce gars de la LNH” [Bob McKenzie] dans un classement. Beaucoup de nouveaux joueurs norvégiens sont sur la bonne voie, et certains jouent dans des ligues importantes. Je pense notamment à Mathias Emilio Pettersen, qui fait bonne figure avec le club-école des Flames de Calgary.»
Si le nom de Solberg est prononcé au premier tour de la séance de sélections 2024 de la LNH, ce sera une grande victoire pour la Norvège. Et surtout, une grande victoire pour Gary Bettman, qui a tout intérêt à ce que le hockey étende ses tentacules et se mondialise.