Deux décisions révélatrices de Martin St-Louis
Ça fait déjà une semaine que la saison est commencée. Dans l’ensemble, les Canadiens doivent être satisfaits. Voici pourquoi.
On sait tous que le CH est une jeune équipe. C’est la raison pour laquelle il a offert jusqu’à maintenant des performances totalement différentes à domicile que sur la route. C’est tout à fait normal. Grâce à l’énergie de la foule, c’est toujours plus facile de jouer avec confiance devant ses partisans. De transposer ça à l’étranger, c’est un processus. Ça viendra avec le temps.
Je suis déjà passé par là. À mon arrivée avec les Penguins, on était tout feu tout flamme à Pittsburgh, mais on était intimidé sur la route. Je me souviens que ça avait pris une certaine période avec de jouer le même hockey autant dans notre propre amphithéâtre qu’ailleurs dans la ligue.
On parle beaucoup de développement à Montréal. Et avec raison puisque c’est primordial. Mais au-delà du développement individuel, la culture d’équipe est aussi cruciale. Avant le début de la saison, je craignais que les Canadiens accepteraient de perdre, se disant que c’est correct pour une équipe en reconstruction. Implanter une culture gagnante, c’est très important. Ça fait partie du cheminement pour s’améliorer.
Ça paraît que Martin St-Louis et tout le personnel d’entraîneurs ne veulent rien savoir d’obtenir le premier choix au prochain repêchage. Je comprends le désir des partisans, mais quand on se met dans les souliers des entraîneurs et dans les patins des joueurs, ils souhaitent gagner et devenir meilleurs au fil de la saison en cours et des années à venir. Du moins, je l’espère.
Les joueurs et les entraîneurs ont tous leur fierté personnelle. C’est un élément essentiel pour connaître du succès. L’an dernier, finir dernier a fait mal à leur orgueil.
De ce que je vois, Martin se bat pour gagner et j’aime ça. C’est à l’image de sa carrière. Alors que personne ne croyait en lui, il a prouvé le contraire à tout le monde, tellement qu’il a réussi à se faire élire au Temple de la renommée. Il a gardé le même esprit compétitif en tant qu’entraîneur.
Deux exemples frappants
St-Louis n’a pas peur de prendre des décisions pendant un match. Deux exemples me viennent en tête. D’abord, dans le premier match, alors que les Canadiens menaient 3-2 contre les Maple Leafs de Toronto, une décision s’est revirée contre lui. St-Louis a remplacé Juraj Slafkovsky par Evgenii Dadonov pour ne pas mettre le jeune dans une position où il aurait pu faire une erreur qui aurait nui à sa confiance. Je peux comprendre, j’ai moi-même déjà fait ça en pensant que c’était pour le bien de l’équipe. Par contre, Dadonov a commis une erreur qui a permis aux Leafs de marquer. Heureusement pour St-Louis, Josh Anderson lui a sauvé la peau en offrant la victoire aux Canadiens dans les dernières secondes du match. Son choix est donc passé sous le radar. Martin n’a pas eu à se frapper la tête avec un marteau à son retour à la maison!
Autre exemple : contre les Penguins, il a demandé un temps d’arrêt avant de retirer son gardien et il a effectué un ajustement en mettant Jonathan Drouin, qui a réalisé un gros jeu sur le but égalisateur de Nick Suzuki. C’était une décision posée qui s’est avérée positive puisque le Tricolore a ensuite gagné en prolongation. C’est ça «coacher» : faire des choix qui peuvent t’être favorables ou non. Ce n’est pas toujours évident, mais c’est le métier.
Les mentalités peuvent changer d’un entraîneur à l’autre. Personnellement, ma philosophie a toujours été de prendre des décisions, que ce soit exploiter davantage que prévu un joueur qui joue bien ou encore enlever du temps de glace à ceux qui jouent mal, non pas pour les punir, mais pour donner le plus de chances possibles à l’équipe de sortir avec la victoire. On se sent bien quand ça fonctionne, mais ça fait mal quand ça se retourne contre toi.
Suzuki m’impressionne beaucoup
Le rôle du «coach» est d’amener l’équipe au plus haut niveau. Pour y parvenir, il faut aller chercher le maximum de chaque joueur. C’est ce qu’on a vu depuis une semaine chez la plupart d’entre eux. J’ai aimé que les jeunes aient bien répondu à l’appel.
Selon moi, ils ont disputé leur meilleur match contre les Penguins, lundi. Pour amorcer la prolongation à trois contre trois, St-Louis a envoyé sur la glace Suzuki, Cole Caufield et Kaiden Guhle. Il a décidé d’y aller avec ses meilleurs joueurs, sans penser au développement, mais plutôt à la victoire. Signe encourageant, les meilleurs joueurs jusqu’ici sont les jeunes. Ça s’annonce intéressant pour la suite.
Suzuki m’impressionne beaucoup par son jeu, son leadership et sa maturité. Il est encore jeune, mais il va apprendre graduellement à devenir capitaine. Après tout, recevoir le «C» ne vient pas avec un manuel d’instructions!
Guhle est un autre jeune qui m’épate depuis le camp d’entraînement. C’est ma plus grande révélation. Pour un défenseur de seulement 20 ans qui sort des rangs juniors, c’est un exceptionnel de la manière qu’il se comporte match après match. Avant d’affronter Sidney Crosby, il a joué contre une autre vedette en Alexander Ovechkin. Bienvenue dans la LNH, mon Kaiden!
C’est très rare pour un défenseur sans expérience comme lui d’avoir autant de responsabilités. Si St-Louis confie un tel mandat à Guhle, ce n’est pas pour son développement, mais bien parce qu’il est le meilleur défenseur de l’équipe depuis le début de la saison.
Les nouveaux dirigeants du CH peuvent se considérer chanceux d’avoir hérité de l’ancienne direction des joueurs prometteurs comme lui. Guhle, Suzuki et Caufield font partie des nombreux bons coups de Marc Bergevin.
Une source d’inspiration à Pittsburgh
Parlant de Crosby, les Penguins représentent un bel exemple de culture gagnante, qui s’est construite autour de «Sid», Evgeni Malkin et Kristopher Letang. Ensemble, ils se sont qualifiés pour les séries éliminatoires dans les 16 dernières années, soit depuis 2007, ma première année complète à la barre des Penguins. C’est tout un exploit! Il s’agit d’ailleurs de la plus longue séquence active dans les quatre grandes ligues de sports professionnels (LNH, MLB, NFL, NBA).
À l’époque, lorsque je suis arrivé en cours d’année, je voulais semer les graines d’une culture gagnante en espérant que les fleurs allaient pousser la saison suivante. Et c’est exactement ce qui s’est produit.
Crosby a rendu tout le monde autour de lui meilleur par son leadership, son éthique de travail et sa manière de se comporter à l’extérieur de la patinoire. Même chose pour Malkin et Letang. Les gars ont tous embarqué dans le même bateau. C’est tout à leur honneur. Le joueur qui n’adhère pas à cette culture ne restera pas longtemps à Pittsburgh!
Les Canadiens doivent aller dans cette direction. Dans les quatre premiers matchs, ils ont relevé le défi. Maintenant, le plus grand «challenge» est de répéter ça soir après soir. Malgré les hauts et les bas que composent une saison, la culture, elle, ne doit jamais changer.