Un Québécois s’entraîne avec Sasha Banks en Espagne
La vie est remplie de hasard. Dimanche dernier, alors que je surfais sur les réseaux sociaux, je suis tombé sur une photo de Sasha Banks dans un ring de lutte…à Barcelone! Et en regardant la photo de plus près, j’y ai vu un autre visage connu.
« Ben voyons! C’est Jorge ça! »
Jorge, c’est Jorge Morillas Baixench, un Montréalais de 44 ans, dont les parents barcelonais étaient déménagés au Québec en 1966.
Ce dernier a appris les rudiments de la lutte professionnelle ici, en 2005, avec la NCW. C’est là que je l’ai connu. Il a par la suite œuvré sur le circuit indépendant québécois pendant plus de 10 ans, principalement comme lutteur, sous le nom de Fuego.
Parallèlement à son engagement dans le monde de la lutte, Morillas occupait un emploi dans le domaine de l’informatique et fut appelé à aller à Barcelone pour un contrat. Puis, à son retour, s’ennuyant du mode de vie barcelonais plus « laid back » et toujours affecté par le décès de son père quelques années plus tôt, il décida de quitter le Québec pour l’Espagne.
La lucha libre d’Espagne, différente de celle du Mexique
L’Espagne n’a pas la plus grande histoire en matière de lutte professionnelle. Elle était un arrêt régulier pour les lutteurs européens, dont le Géant Ferré et Édouard Carpentier, jusqu’aux années 1970, mais elle avait peine à développer ses propres lutteurs.
L’un des lutteurs locaux les plus connus était Hercules Cortez. Ce dernier fut champion par équipe de l’AWA aux États-Unis, avant de périr dans un accident de la route en 1971. Un autre Espagnol, Crusher Verdu, a pour sa part lutté quelque temps avec la WWWF.
Dans les années 1970, la lutte locale n’existait qu’à Barcelone et à Madrid et disparaitra complément de la carte lors de la décennie suivante. La scène locale ne reprendra du poil de la bête que dans les années 2000, suite à l’émergence de quelques promotions.
Avec un mélange de lutte anglaise, nord-américaine et japonaise (les Espagnols ont grandi avec les dessins animés japonais), cela a permis à la lucha libre d’Espagne et
à sa scène locale d’avoir quelque chose d’unique. Aujourd’hui, le lutteur espagnol le plus connu est Axiom (anciennement A-Kid), qu’on peut d’ailleurs voir à NXT.
Et bien qu’on appelle la lutte professionnelle en Espagne la « lucha libre », cela n’a rien à avoir avec le style spectaculaire et de haute voltige qu’on retrouve au Mexique. Pendant longtemps, la lutte se faisait appeler « catch » en Espagne, comme dans bien des endroits en Europe, jusqu’à ce que le Mexique et la langue espagnole influencent l’Espagne à appeler ce sport-spectacle de la même manière.
Le cannabis, la raison de la présence de Sasha en Espagne
Mais revenons à Jorge Morillas.
Impliqué sur le circuit indépendant depuis qu’il est arrivé à Barcelone en décembre 2016 et maintenant avec la Lucha Libre Barcelona (LLB), Morillas porte plusieurs chapeaux au sein de l’organisation. Il est agent, entraîneur et lutteur, sous le nom approprié de Coach Morillas.
Et c’est dans son rôle d’entraîneur qu’il aura l’opportunité de travailler avec Sasha Banks.
Plus tôt cette année, Banks, de son vrai nom Mercedes Vernado, a fondé une compagnie avec deux de ses amis, le lutteur Samuray Del Sol (Emanuel Alejandro Rodriguez, connu sous le nom de Kalisto lorsqu’il était à la WWE), ainsi que sa conjointe, Abigail Rodriguez (Lady Lucha).
Leur compagnie, Premier Kanndela Labs, produit du cannabidiol (CBD), le deuxième cannabinoïde le plus courant dans la plante de cannabis.
En entrevue avec un magazine spécialisé cet été, Banks vantait les mérites du cannabis et comment cela avait changé sa vie. C’est la cousine de Snoop Dog après tout!
« Être une lutteuse professionnelle, c’est tellement épuisant. C’est tellement, tellement dur. Nous ne sommes jamais à la maison. Nous sommes toujours bousculés et toujours blessés. Et une fois que j’ai découvert le CBD, ma vie a complètement changé. J’ai remarqué que mon anxiété, après avoir pris du CBD, se dissipait. J’ai recommencé à me sentir moi-même », racontait Banks, ajoutant que sa consommation d’alcool avait même diminué depuis.
Une élève comme les autres
Du 18 au 21 octobre se tenaient donc à Barcelone les World CBD Awards, une remise de prix de renommée mondiale dans le domaine du cannabis. D’ailleurs, la compagnie de Banks et Del Sol ont remporté le prix de la nouveauté de l’année dans le milieu.
Sachant que Del Sol serait en ville, le promoteur de la LLB, Jeffrey Pac, décida de présenter un événement le vendredi 21 octobre, mettant en vedette le lutteur américain.
« Sasha était en coulisses pour voir le show. Elle nous a demandé si on pouvait monter un groupe privé pour un training le lendemain, explique Morillas. Elle s’est unie à nous comme une élève de plus. Jeff a fait le réchauffement et moi les drills. Ça faisait 5 mois qu’elle n’avait pas pris de bumps. »
Banks n’a pas toujours eu la meilleure des réputations dans le domaine de la lutte professionnelle. On se souviendra de la crise qu’elle avait faite avec Bayley après WrestleMania 35 en 2019. Et bien sûr, son départ cavalier de la WWE en mai dernier, avec sa coéquipière Naomi, alors qu’elles étaient championnes par équipe, départ qui fait encore jaser.
Toutefois, Morillas en retient une expérience très positive.
« Je vais te dire, au niveau personnel, j’ai lu des commentaires de gens qui se demandaient si elle nous avait traités comme elle traite supposément ses fans. Et bien que tu voies qu’elle est un peu réservée, tout au long du training elle était courtoise et professionnelle. Je lui ai même corrigé des petits trucs et en aucun moment elle a fait sa star. Elle a pris mon feedback et l’a appliqué. Puis quand elle était aux abords de l’arène, elle encourageait les jeunes qui exécutaient l’exercice à leur tour. C’est ce que tu t’attends de n’importe quel élève en fait. »
Morillas continue:
« En plus, même si elle n’avait pas beaucoup de temps après l’entraînement, elle a pris le temps pour un Q&A, elle nous a donné des conseils pour améliorer la compagnie, pour se faire valoir comme lutteurs et dans mon cas comme coach, comment vraiment traiter la lutte comme une business. Honnêtement, j’ai trouvé ma passion, ma place dans la lutte. Ce n’est pas de devenir lutteur à la WWE. C’est d’enseigner aux jeunes et les aider à y arriver. Et c’est ce que Sasha m’a dit de faire aussi, de laisser les plus jeunes avoir le spotlight si je veux vivre mon rêve de pouvoir donner une classe au centre de performance de la WWE. »
Une expérience irréelle
On ne sait pas ce que l’avenir réserve à Banks. On ne sait même pas si l’athlète et actrice de 30 ans est encore sous contrat avec la WWE ou pas, elle qui y travaille depuis 2010.
Les détails sont flous. Personne n’en parle.
On la voit sur des tapis rouges, comme celui de Black Panther. On va la voir dans une émission à USA Network. On lui parle encore de son rôle dans la deuxième saison de
The Mandalorian, sur Disney +, une série faisant partie de la franchise de Star Wars. Et avant Barcelone, on se demandait même si elle retournerait dans un ring un jour.
Ce qu’on est certains par contre, c’est que l’ancienne six fois championne du monde a laissé toute une impression sur Morillas et son groupe.
« Je ne suis généralement pas du genre à être impressionné, mais tout le week-end a été une expérience incroyable et enrichissante. Alors oui, c’est un peu irréel ce qui est arrivé! »