Antonio Inoki et l’héritage de son combat face à Mohamed Ali

Antonio Inoki a lutté pendant près de 40 ans et détient le record de la plus grande assistance dans l’histoire de la lutte professionnelle. Il a fondé une compagnie de lutte qui a célébré son 50e anniversaire plus tôt cette année. Il fait partie du Temple de la renommée de la WWE et est considéré comme l’un des meilleurs lutteurs de tous les temps.

Et pourtant, c’est pour un de ses pires combats à vie qu’il est connu du public et pour lequel plusieurs s’en souviennent encore aujourd’hui.

Qui affrontait-il?

Nul autre que Mohamed Ali!

Nous sommes en 1976. 

Mohamed Ali est l’athlète le plus connu sur terre. Entre 1972 et 1975, Ali avait été nommé boxeur de l’année à trois reprises. De plus, il connaissait un succès monstre au box-office pour les événements en circuit fermé. Avant la télé à la carte, les télédiffusions des matchs de boxe étaient diffusées dans un certain nombre de salles, principalement des cinémas ou des arénas, où les fans devaient alors payer un billet pour regarder le combat en direct sur écran géant. 

On ne pouvait pas rester à la maison et regarder le combat comme nous le faisons aujourd’hui. Ces visionnements sont devenus très populaires dans les années 1960 et 1970 en raison des combats d’Ali et les promoteurs de boxe faisaient beaucoup d’argent de cette façon. 

Depuis des années, les promoteurs de lutte tentent de trouver une façon d’utiliser Ali dans un combat mixte. Ils ont essayé en 1965 avec le champion de la NWA Lou Thesz. Dix ans plus tard, Vince McMahon Sr. et Bruno Sammartino ont tenté de faire de même, mais l’entourage d’Ali leur a dit qu’il ne serait intéressé que s’il y avait six millions de dollars sur la table. 

Ali était un grand amateur de lutte et il avait même été influencé par Gorgeous George et Freddie Blassie pour ses entrevues, entrevues qui ont d’ailleurs fait sa renommée. 

Le combat aurait été prédéterminé et Sammartino a même été jusqu’à lancer le défi, tandis que McMahon essayait de s’associer à d’autres grands promoteurs de lutte pour recueillir les fonds nécessaires pour en faire un événement national en circuit fermé. Les promoteurs ont tous rejeté l’idée, pensant que cela allait surtout profiter à McMahon et à Sammartino. 

Pendant ce temps, un lutteur et promoteur japonais suit cette histoire de près. 

Du Japon au Brésil au Japon, en passant par les États-Unis

Né en pleine Deuxième Guerre mondiale, le 20 février 1943 à Yokohama au Japon, Kanji Inoki est un athlète hors pair. Doté d’un bon physique à l’adolescence, il joue au basketball, apprend le karaté et excelle au lancer du poids. Mais les temps sont durs au Japon après la conclusion de la guerre et Inoki déménage au Brésil avec sa famille, où il remportera des championnats de lancers du poids, du javelot et du disque. 

Au printemps 1960, alors qu’il est âgé de 17 ans, il fait la rencontre de Rikidozan. Ce dernier, considéré comme le père de la lutte japonaise depuis qu’il a créé la première organisation de lutte au pays, la JWA, est justement au Brésil en tournée. Il est impressionné par Inoki et voit en lui une future vedette. Inoki retourne donc au Japon avec Rikidozan et s’entraîne sous la férule de quelques lutteurs locaux et surtout de Karl Gotch, un ancien Olympien en lutte amateur, devenu lutteur professionnel et très axé sur les prises de soumissions. Il aura une grande influence sur le style qu’adoptera Inoki.

Au dojo de la JWA se trouve aussi un autre athlète, un ancien lanceur pour la célèbre équipe de baseball des Giants de Tomiuri, Shohei Baba. Le futur d’Inoki et de Baba sera intiment lié. Les deux débutent le 30 septembre 1960 à Tokyo. Baba, un géant de 6 pieds 10 pouces, remporte son combat. Inoki le perd. 

C’était le début d’une rivalité entre les deux qui allait durer toute une vie ou presque. 

Le 8 décembre 1963, Rikidozan est poignardé dans une boîte de nuit lors d’un règlement de compte orchestré par un membre de la yakuza (mafia japonaise). Il décède sept jours plus tard des suites de ses blessures. 

Michiharu Sadano (Toyonobori), considéré par beaucoup à l’époque comme la deuxième plus grande vedette dans le monde de la lutte au Japon après Rikidozan, devient alors le nouveau président du groupe. Cependant, après la mort de son fondateur, la JWA ne sera plus jamais la même et moins de trois ans plus tard, en janvier 1966, la JWA annonce la démission de Toyonobori. 

Après son départ, Toyonobori se rend à Hawaï où se trouve Inoki. Ce dernier lutte aux États-Unis depuis un certain temps. C’est d’ailleurs juste avant son départ qu’il avait commencé à utiliser le prénom Antonio. Il s’agissait d’une pratique standard à l’époque, encore utilisée aujourd’hui, pour un lutteur japonais d’acquérir de l’expérience aux États-Unis avant de revenir au Japon prêt pour un rôle de premier plan. De plus, Inoki trouvait qu’il jouait les seconds violons derrière Baba. 

Toyonobori convainc Inoki de le suivre dans sa nouvelle compagnie et de revenir au Japon avec lui. Il lui promet aussi qu’il deviendrait sa plus grande vedette japonaise. En avril 1966, Toyonobori et Inoki annoncent la création de la Tokyo Pro-Wrestling ainsi que leur premier événement, planifié pour le 12 octobre de la même année. En grande finale, Inoki vainc Johnny Valentine par compte à l’extérieur de l’arène. 

Cependant, la JWA n’allait pas se laisser faire par la nouvelle promotion, ne manquant aucune chance de leur faire une jambette. Les foules sont faibles et le groupe annule plusieurs événements. Les choses ne se passent pas comme prévu. Par la fin de 1966, Toyonobori et Inoki avaient mis un terme à leur association et en avril 1967, Inoki retourne à la JWA.

La naissance de New Japan Pro-Wrestling

Baba et Inoki commencent à faire équipe et connaissent beaucoup de succès. Connus sous leur nom d’équipe de B-I Cannon, ils remportent les titres par équipe internationale de la NWA à quatre reprises entre 1967 et 1971. Et même si Baba est le plus populaire des deux, Inoki est en train de devenir une meilleure attraction en simple que Baba ne l’est, conduisant à une augmentation des revenus de télévision ce qui permet à la compagnie de signer un second contrat de télévision.

La promotion est déjà diffusée sur le réseau NTV et le nouveau contrat est avec NET TV (aujourd’hui TV Asahi). Pour faire passer la pilule à NTV, la JWA donne à la station l’exclusivité des combats de Baba, tandis que NET recevrait l’exclusivité sur ceux d’Inoki, une sorte de scission de la marque, comme la WWE allait le faire des décennies plus tard avec Raw et SmackDown.

Toujours mécontent de la façon dont la JWA opère et convaincu que l’idée est vouée à l’échec, Inoki organise un coup d’État afin de diriger l’entreprise avec Baba à ses côtés. Beaucoup de lutteurs ne sont pas satisfaits des dirigeants de la JWA, les accusant de gérer l’entreprise pour leur propre bénéfice. Cela dit, le lutteur Umanosuke Ueda soupçonne Inoki de préparer ce coup d’État et vend la mèche. Inoki et Baba perdent leurs titres par équipe contre les frères Funk le 7 décembre 1971 et le 9, Inoki est remplacé dans la grande finale de la tournée. 

Il est congédié quelques jours plus tard, tandis que la JWA convainc Baba de rester avec la compagnie.

Suite à son congédiement, Inoki annonce, en janvier 1972, le lancement d’une nouvelle compagnie appelée New Japan Pro-Wrestling et qu’il tiendrait son premier spectacle en mars. En août 1972, ce sera au tour de Baba de quitter la JWA et en octobre, d’ouvrir sa propre entreprise, appelée All Japan Pro-Wrestling. En avril 1973, la JWA fermera ses portes. All Japan allait être diffusé sur NTV. New Japan sur NET.

L’image de lutte nipponne venait de changer pour des décennies à venir. 

La rivalité entre les deux promotions fait partie des plus grandes entre deux organisations de lutte et n’a de comparable que les rivalités entre la WWF et la WCW, AAA et CMLL au Mexique et bien sûr, les As de la Lutte et Lutte Grand Prix au Québec. On se battra pour les mêmes lutteurs étrangers et locaux, les mêmes fans et les mêmes cotes d’écoute. 

Voici un exemple de cette rivalité entre Baba et Inoki. 

En décembre 1975, Inoki fait match nul avec Billy Robinson, une légende au Japon. En juillet 1976, Baba paie une somme faramineuse à Robinson pour le battre dans un match deux de trois. Tout pour paraître supérieur à l’autre. 

Puisque le concept d’Inoki avec New Japan était de ramener le concept de légitimité et de crédibilité dans les matchs, cest aussi durant ces années qu’Inoki développe un personnage de combattant prêt à affronter n’importe qui. 

Ce qui nous ramène en 1976. 

Inoki contre Ali : un vrai désastre!

Inoki et le réseau de télévision NET entendent parler du prix exigé par le clan Ali et leur disent qu’ils sont prêts à payer ce qu’il demande. Inoki a toujours voulu trouver une façon d’éclipser Baba dans leur guerre territoriale au Japon.

« Dans une guerre promotionnelle si chaudement disputée autour des deux grandes vedettes, battre Ali aurait élevé Inoki à un niveau que Baba ne pourrait jamais atteindre, écrit Dave Meltzer dans le Wrestling Observer Newsletter. Ce faisant, New Japan surmonterait son handicap en matière de relations pour obtenir des vedettes internationales. Du fait qu’il aurait la plus grande vedette en Inoki, il serait le groupe numéro un au Japon. »

Le 25 mars, le combat est officiellement annoncé lors d’une conférence de presse tenue à l’Hôtel Plaza de New York. Inoki est présenté comme le champion des poids lourds au Japon et un expert en karaté. Ils annoncent que le match aurait lieu à Tokyo le 25 juin et qu’un autre combat entre un lutteur et un boxeur aurait lieu au stade Shea de New York. 

Ce sera le match entre le Géant Ferré et Chuck Wepner. Ce dernier a affronté Ali un an auparavant dans le combat qui a inspiré Sylvester Stallone à créer la série de films à succès Rocky. Le combat André contre Wepner allait pour sa part inspirer une scène dans le combat entre Rocky Balboa et Thunder Lipps, joué par Hulk Hogan, dans Rocky III. 

Aux États-Unis, les principaux promoteurs étaient le promoteur de boxe Bob Arum et Vince McMahon Sr. Pour essayer de vendre plus de billets, l’idée était de présenter des matchs au stade Shea, puis de diffuser le combat Ali-Inoki en direct du Japon sur les écrans géants en circuit fermé. McMahon voulait que tous les autres promoteurs fassent de même. 

Il avait affecté Fred Blassie comme gérant d’Ali, ce qui était logique parce que Blassie était bien connu et respecté aux États-Unis et encore plus au Japon, en plus d’être excellent au micro pour mousser un combat. Mais les promoteurs de lutte étant ce qu’ils sont, l’idée de mettre les projecteurs sur la promotion et le talent de quelqu’un d’autre n’a pas connu le succès escompté par McMahon. 

À Montréal, le territoire venait de commencer ce qui allait être une période de vache maigre pour la lutte professionnelle. De plus, la ville était en mode préparation pour les Jeux olympiques. Par conséquent, les deux combats principaux ont été montrés en circuit fermé à l’auditorium de Verdun, mais aucun match local n’a été ajouté et l’assistance n’a pas été très bonne. 

Pendant ce temps à Tokyo, ce qui était censé être un match prédéterminé s’est transformé en un combat légitime. Ali, qui devait perdre, avait changé d’avis et Inoki ne voulait pas perdre lui non plus. La seule solution sur laquelle tout le monde s’entendait était de faire un vrai combat. Arbitré par « Judo » Gene LeBell, un ancien lutteur devenu cascadeur à Hollywood et qui entrainerait plus tard Ronda Rousey, le combat a simplement été mauvais. 

Il y avait tout un ensemble de règles qui ne leur permettaient pas de se battre comme ils auraient pu, chacun essayant plutôt de sauver sa réputation. Ainsi, Inoki a passé la plupart des 15 rondes sur son dos, atteignant Ali de 78 coups de pied aux jambes, tandis que le boxeur n’a réussi que six coups de poing. Le combat est allé aux cartes de pointage et les juges qui ont finalement tranché : match nul.

« À l’époque, il n’y avait pas de kickboxing aux États-Unis et encore moins de MMA, écrit Meltzer. Personne n’a compris l’effet des coups de pied aux jambes. Même au Japon, ils ne comprenaient pas non plus l’impact de ces attaques. En regardant le combat aujourd’hui, quoiqu’il s’agît encore d’un mauvais combat, Inoki avait clairement gagné. »

Environ 250 000 billets ont été vendus dans plus de 100 salles en circuit fermé. 

Le tout est considéré comme un échec.

Au Japon cependant, l’événement a été vu par environ 60 millions de téléspectateurs au total. Le combat Inoki contre Ali a été diffusé à la télévision avec un délai de 45 minutes, soit de midi à 13h30 heure locale. Mais plus tard dans la soirée à 19h30, NET TV a diffusé le combat André-Wepner, suivi d’une rediffusion d’Ali et Inoki, puis d’un combat entre Willem Ruska et Don Fargo en provenance de Los Angeles. La seconde diffusion a attiré entre 27 et 29 millions de personnes devant le petit écran.

Inoki : le premier « vrai » champion d’arts martiaux mixtes

Les conséquences de tout cela ont été différentes pour les quatre hommes. Ali a été fort occupé en 1976. En comptant le match avec Inoki, il a été impliqué dans quatre combats en l’espace de cinq mois. Et juste avant cela, il avait été à la guerre contre Joe Frazier aux Philippines, le fameux « Thrilla in Manila ». Il ne sera plus jamais le même. Son match contre Frazier avait laissé des séquelles, mais les dommages à la jambe qu’il a subis face à Inoki l’ont également hypothéqué. 

Jusqu’en 1989, Inoki a continué sa quête pour être le meilleur combattant d’arts martiaux mixtes du monde, bien que l’expression n’eût pas encore été inventée. Il a participé à 20 combats d’arts martiaux mixtes prédéterminés, ne perdant que le dernier. En février 1976, en préparation pour son combat contre Ali, il avait créé le championnat Real World Martial Arts dans un match avec Willem Ruska, deux fois médaillé d’or olympique de judo. 

Le 7 octobre, il est maintenant prêt à le défendre à nouveau. Son adversaire n’est nul autre que le gagnant de l’autre match boxeur contre lutteur, André the Giant. Inoki gagne par arrêt de l’arbitre. Un an plus tard, il le défend contre Wepner au Japon, remportant le combat à la sixième ronde. Il a aussi affronté le boxeur et médaillé d’or olympique à Montréal, Leon Spinks, de même que les champions de karaté Eddie Everett et Willie William. 

Alors que la relation d’affaires entre McMahon et Inoki grandit, McMahon lui décerne le championnat du monde d’arts martiaux de la WWWF en décembre 1978. 

Le combat Inoki-Ali, bien que considéré comme une farce pendant de nombreuses années, est considéré aujourd’hui par plusieurs comme le premier combat d’arts martiaux mixtes de l’histoire. Chose certaine, il a influencé le monde des arts martiaux mixtes pour des années à venir. Son match avec Ali, ainsi que ses combats face à d’autres types de combattants, a influencé une génération de futurs lutteurs. 

Certains jeunes de New Japan, dont Akira Maeda, ont quitté la compagnie pour former l’UWF, une organisation de lutte qui misait sur un style de combat plus réel. Puis d’autres, dont Minoru Suzuki, ont fondé Pancrase. Et tous ces combats prédéterminés, mais qui avaient l’air si réels, ont permis à une compagnie d’arts martiaux mixtes japonaise comme Pride d’exister, elle qui, au début des années 2000, était plus populaire et plus importante que l’UFC. 

Inoki et les Québécois

À travers sa quête de vouloir être considéré comme le meilleur combattant mixte de l’histoire, sa route a croisé celle d’une personne bien connue au Québec: le Grand Antonio. 

Né en ancienne Yougoslavie, mais ayant demeuré au Québec une majeure partie de sa vie, Antonio fait partie de la mémoire collective des Québécois pour avoir traîné dans les rues de Montréal pendant des années. Mais avant de se promener avec son baluchon, Antonio était connu pour tirer des autobus avec ses cheveux, ses exploits d’hommes forts et la lutte. 

Antonio avait été un lutteur et un promoteur également. En 1977, accompagné du regretté Deepak Massand, il affronte Inoki au Japon. Mais le combat ne se passe pas comme prévu. Antonio refuse de vendre, de réagir aux coups d’Inoki et ce dernier doit lui asséner plusieurs vrais coups de pied.

« Il a fait une commotion cérébrale suite à tous ces coups de pied », racontait Massand.

Le combat est disponible sur YouTube. Un pire désastre que le match face à Ali!

Plusieurs Québécois ont affronté Inoki au fil des années, soit aux États-Unis tôt dans sa carrière, soit plus tard au Japon. Des noms comme Tarzan « La Bottine » Tyler, Louie Tillet, Stan Stasiak, Tony Baillargeon, Brute Bernard, Hans Schmidt, Gilles Poisson, Pat Patterson, Dino Bravo, René Goulet, Neil Guay et Jos Leduc. 

Puis, il y a la famille Rougeau. 

Le grand-oncle de la famille, Eddie Auger, l’a affronté à la fin des années 1960 lorsqu’Inoki est revenu avec la JWA. Puis en 1973, après la fondation de la New Japan, c’est au tout du neveu d’Auger, Jacques Rougeau père. Les deux l’ont affronté autant en simple qu’en équipe. Deux ans plus tard, c’est avec son fils Raymond que Jacques retourne au Japon. Les deux se mesureront à la légende nipponne.

« Il était un bon travaillant, il avait beaucoup de classe et il respectait les autres lutteurs, se souvient Raymond Rougeau. Ce n’était pas facile le Japon dans les années 1970. Mais Inoki était un homme d’affaires, il n’avait pas d’amertume face aux Américains après la Deuxième Guerre. Il nous traitait très bien. Il avait un style de lutte semi-japonais, semi-américain. Je me souviens surtout de sa grande popularité au Japon. Il savait comment se comporter en public. Il était très connu et s’impliquait dans différentes affaires, j’irais jusqu’à dire qu’Inoki était la version japonaise de mon oncle Jean. »

Champion WWF, Ric Flair et la politique

En 1979, Inoki devient champion de la WWF, défaisant Bob Backlund en tournée au Japon, un changement de titre que la WWE ne reconnaîtra jamais…ou presque.

En effet, question de redorer sa réputation aux yeux des amateurs de lutte au Japon suite à la débâcle qu’avait été son match avec Ali, Inoki s’entend avec Vince McMahon Sr. afin de remporter le titre de la WWF. Il ne fait pas oublier que Giant Baba avait déjà été deux fois champion de la NWA.

Inoki bat donc Backlund le 30 novembre 1979 et devait perdre le titre le 6 décembre, suite à l’intervention d’un rival d’Inoki, Tiger Jeet Singh. Mais New Japan décide d’en passer une vite à la WWF et annonce que le match ne fait pas de vainqueur et qu’Inoki est toujours champion. 

Le mois suivant, Inoki devait lutter au Madison Square Garden de New York, présenté en direct au Japon. Il voulait donc que ses admirateurs le voient comme champion. Une entente a finalement été conclue afin de protéger la réputation d’Inoki au Japon, mais c’est pourquoi la WWE n’a jamais reconnu le changement de titre. 

Toutefois, à SmackDown vendredi dernier, Corey Graves en a fait une mention, disant d’Inoki qu’il avait été le premier lutteur japonais à remporter le titre de la WWE, mais que suite à une controverse, le changement de titre n’avait jamais été reconnu. Cette association avec la WWE lui permettra tout de même d’être introduit au Temple de la renommée de la WWE en 2010. Il fait aussi partie du Temple de la renommée le plus respecté au monde, celui du Wrestling Observer Newsletter. 

En 1988, un nouveau stade de baseball est construit à Tokyo. Appelé le Tokyo Dome, il peut contenir plus de 60 000 personnes pour un événement. 

Le 24 avril 1989, Inoki se sert de son statut de champion des arts martiaux pour affronter le médaillé de bronze en judo à Montréal, Shota Chochishvili et produit le match au Tokyo Dome, le premier événement de lutte à y être présenté. Une foule record pour le Japon s’y présente avec 53 800 amateurs. 

Ce serait le début d’une longue histoire d’amour entre le stade et la lutte professionnelle, alors qu’en encore aujourd’hui, New Japan s’y produit tous les 4 janvier et attire habituellement l’une des plus grandes assistances de l’année dans le monde de la lutte. 

Inoki lutte régulièrement jusqu’en 1989, avant de lutter que de façon sporadique, ayant son dernier combat en 2001.

Mais en 1995, il travaille avec le gouvernement nord-coréen afin de présenter deux événements de lutte dans le cadre d’un festival de paix international de sports et culture à Pyongyang. C’est donc une foule estimée à 170 000 personnes, la plus importante de l’histoire de la lutte professionnelle, qui voit, le 29 avril 1995, Inoki battre Ric Flair dans le seul combat en simple que les deux se disputeront. 

Il avait aussi touché à la politique dans les années 1990, devenant sénateur. Et tout comme il faisait croire aux gens qu’il était le champion des arts martiaux mixtes et le meilleur combattant du monde, il n’avait pas changé dans l’arène politique. 

En décembre 1990, tout juste avant le début de la guerre du Golfe, Inoki organise des spectacles de lutte dans le cadre d’un festival de la paix à Bagdad, en Irak. Au même moment, des otages japonais sont libérés par le gouvernement irakien. Inoki en prend donc le crédit. Et même si plusieurs médias en parlent depuis l’annonce de son décès, sa réelle implication dans ce dossier demeure contestée par plusieurs.

Il n’est pas réélu en 1995, mais revient en 2013, avec comme faits saillants ses relations controversées avec la Corée du Nord. Il quittera finalement la politique en 2019. 

L’héritage d’Inoki

Inoki est décédé vendredi soir dernier, le 30 septembre, d’une crise cardiaque à l’âge de 79 ans. Depuis 2021, des problèmes de dos l’avaient confiné à un fauteuil roulant. 

Après Rikidozan, il est le lutteur le plus important de l’histoire du Japon. Mais il était bien plus que ça. Au Japon, pour sa génération, il était au niveau d’un Michael Jordan ou d’un Mohamed Ali, l’un des 10 athlètes les plus populaires de l’histoire de son pays. Certains matchs d’Inoki pouvaient obtenir des cotes d’écoute oscillant entre 20 et 40 millions de téléspectateurs. 

En plus d’avoir été le premier promoteur à présenter un événement de lutte au Tokyo Dome, via le dojo de la New Japan, plusieurs vedettes des années 1980 et 1990 y ont été entraînées comme Masa Chono, Riki Choshu, Shinya Hashimoto, Keiji Muto et Tatsumi Fujinami. Mais aussi des vedettes plus récentes telles que Hiroshi Tanahashi et Shinsuke Nakamura. 

Et bien qu’Inoki a vendu ses parts de New Japan en 2005, la compagnie est encore bien est selle. Elle se produit au Japon, en Océanie, au Royaume-Uni et aux États-Unis. La qualité des combats qu’on y retrouve est sans précédent. 

On peut même aller jusqu’à affirmer que New Japan a influencé la naissance d’AEW, étant donné que c’est à New Japan que des gars comme Kenny Omega et les Young Bucks avaient connu leur plus gros succès avant la naissance de la compagnie. 

L’héritage d’Antonio Inoki est immense. 

Plus de 50 ans après la création de New Japan et plus de 46 ans après son combat face à Mohamed Ali, Antonio Inoki est sans l’ombre d’un doute, l’une des personnes les plus influentes dans l’histoire de la lutte professionnelle et des arts martiaux mixtes.