Auger-Aliassime, un chasseur face à une bête blessée

Le défi pour Félix Auger-Aliassime en cette première soirée des Internationaux d’Australie, lundi, ressemblait un peu à celui du chasseur qui fait face à une bête blessée.

Il est supérieur, il est plus jeune et plus habile. Mais la bête se bat avec l’énergie du désespoir. Alors, elle devient encore plus dangereuse qu’elle ne le serait autrement.

Mais au final, l’athlète de 22 ans, septième mondial et sixième tête de série au premier tournoi du Grand Chelem de l’année 2023, a réussi à s’en sortir contre son compatriote Vasek Pospisil.

La bataille a duré trois heures et 58 minutes, et Auger-Aliassime passe au deuxième tour avec une victoire de 1-6, 7-6 (4), 7-6 (3), 6-3.

Il croisera le fer avec le gaucher slovaque Alex Molcan au deuxième tour mercredi.

Pour Auger-Aliassime, qui a atteint les quarts de finale il y a un an à Melbourne, mais qui s’est fait sortir au premier tour à Wimbledon et au deuxième tour aux Internationaux des États-Unis en 2022, c’était une opportunité qu’il devait ne pas laisser filer contre la 99e raquette mondiale.

Pour Pospisil, qui a joué du gros tennis mais s’est (encore) fait trahir par son physique, c’était la déprime, mélangée avec une extrême déception.

«Je me souviens, même le premier point du match, je me sentais bien d’entrée de jeu. J’ai fait quelques fautes, mais je n’étais pas inquiet par rapport à ma nervosité, au niveau de jeu», a raconté un Auger-Aliassime soulagé. «Ça allait vite. Je fais deux double-fautes que je ne peux pas expliquer… Je ne sais pas si c’était de la nervosité ou de mauvaises intentions, mais je commence très mal.»

Pospisil, de son côté, entame le match en fureur.

À 32 ans, il espère enfin pouvoir traverser une saison complète en santé. Il apprécie bien son nouvel entraîneur, le joueur tunisien Malek Jaziri, qui en est à sa première expérience comme entraîneur.

Encore des crampes…

Il croit qu’il a le tennis et la maturité pour retourner dans le top 30, où il était en 2014 et où il sent qu’il a sa place. Mais vers la fin de la deuxième manche, les crampes arrivent. C’était loin de la première fois dans sa carrière que ça lui arrivait.

Et Pospisil, qui a passé à travers neuf chemises, tout en sueurs, savait qu’il n’osait pas éterniser les points. Donc, il devenait dangereux. 

Pas de rythme dans les échanges, des risques en agressivité qui se sont avérés payants. Auger-Aliassime, qui menait par un bris dans la deuxième et la troisième manche, cherchait seulement à tenir son bout et attendre ses chances.

«L’autre, il me domine. Mais je sais que je joue en bas de mon niveau. Je me dis que je ne serai pas inquiet puisque je sais que le match est long, a dit Auger-Aliassime. Dans les deux sets, je pense que sur une bonne journée, lorsque je joue mon meilleur tennis, je ne vais pas me retrouver là. Mais c’est comme ça. Je suis content d’avoir réussi quand même à bien jouer quand il le fallait.»

Auger-Aliassime prétend que ce n’est pas compliqué de jouer contre Pospisil. Il le connaît bien, pour l’avoir côtoyé en Coupe Davis. Et il sait que lorsque le natif de Vernon en Colombie-Britannique est dos au mur – lorsque le physique lâche dans les conditions de chaleur et surtout d’humidité accablante – c’est là où il semble jouer son meilleur tennis, un tennis relâché, un tennis plus courageux.

Il n’avait qu’une seule option, et c’était Auger-Aliassime qui se posait trop de questions, qui hésitait un peu sur certaines frappes.

Déjà qu’Auger-Aliassime n’a pas eu le volume de tennis qu’il voulait à l’aube des Internationaux d’Australie, lui qui s’est fait sortir au premier tour par l’Australien Alexei Popyrin dans son seul tournoi préparatoire, à Adelaïde.

Le rythme et la tension d’un match ne peuvent être imités lors des entrainements, même contre des adversaires de taille comme Rafael Nadal, comme ç’a été le cas pour le Québécois la semaine dernière.

Alors, tout à coup, c’était compliqué.

Résister au piège 

En conférence de presse après le match, Pospisil a parlé longtemps. Il faisait son gros possible pour ne pas révéler sa fureur, évitant pour autant de faire contact visuel avec ses interlocuteurs pour que ses yeux ne trahissent pas ses émotions.

«Lorsque les crampes arrivent à 4-5 dans le deuxième set, ça n’aide pas tes chances. J’ai eu un deuxième souffle dans le troisième lorsque ça s’est rafraichi, mais rendu là, mes jambes étaient pas mal déjà finis, a-t-il dit. Je travaille fort pour passer à travers. Je change beaucoup de choses point de vue nutrition, et je pense que cela s’améliora. Mais c’est décevant pour moi de perdre à cause de quelque chose qui n’est pas relié à mon tennis.

«Vers la fin du deuxième set, j’étais tellement distrait pas les crampes. Je ne voulais pas lui montrer que j’en avais des crampes. En même temps, c’est tellement difficile d’exécuter mes coups, ajoute Pospisil. Que dois-je faire pour gagner le match? Comment dois-je frapper la balle? Comment puis-je conserver mon énergie? Est-ce que je dois aller rapidement pour le coup gagnant? Ce n’est pas une recette pour le succès.»

Auger-Aliassime aurait bien préféré de ne pas avoir besoin de quatre heures sur le terrain pour conclure.

Si cela le soulage, son prochain adversaire, le Slovaque Alex Molcan, a mis 4h22 pour passer à travers le Suisse de 37 ans Stan Wawrinka. Wawrinka a servi pour le match au quatrième set, mais n’a pas pu finir le travail.

«J’aimerais bien gagner tous mes matchs en une heure et demie. Peut-être qu’il y en aura d’autres durant la semaine que je gagnerai plus facilement. Mais c’est comme ça, a dit Auger-Aliassime. Je n’ai pas d’inquiétude, je me sens bien physiquement, donc pas de souci à ce niveau.»

Il l’a échappé belle, le Québécois, surtout à cause d’une maturité, une compréhension de la situation dans laquelle il se trouvait, où la clé était sûrement de ne pas paniquer.

C’était un match-piège et il a résisté.

Contre Molcan, contre qui il a perdu en bris d’égalité au troisième set sur terre battue au Maroc le printemps dernier, ce sera une toute autre bataille contre un style de tennis très différent de celui de Pospisil.

Mais l’important est qu’il sera encore présent pour l’entreprendre.