CH: le gardien dont personne ne parle

Quelle est la relève des Canadiens de Montréal entre les deux poteaux? Selon l’opinion populaire, elle se résume à Jakub Dobes, qui brille avec l’Université Ohio State.

Des experts plus calés avanceront le nom du Suédois Frederik Dichöw malgré ses déboires avec Frölunda cette saison. Certains croiront encore au potentiel de Cayden Primeau. 

Mais règle générale, personne ou presque ne mentionnera Emmett Croteau. Or, le CH le voit dans sa soupe. Croteau est le premier, et le seul gardien repêché jusqu’ici dans l’ère Gorton-Hughes. Le Tricolore a réclamé cet Albertain, détenteur du statut de Métis grâce aux racines de sa mère, au sixième tour (162e au total) l’été dernier. Les experts en matière de gardiens au sein de l’organisation tiennent cet espoir en «très haute estime», d’après les dires du co-directeur du recrutement amateur Nick Bobrov. 

Et, sans fanfare, Croteau s’est mis à dominer la USHL cette saison avec les Black Hawks de Waterloo. Il présente des statistiques similaires à celles de Dobes au même âge, à sa dernière année dans le circuit junior des États-Unis.

«Je suis un gros bonhomme [6 pieds 3 pouces, nous confirme le principal intéressé, NDLR] qui a la spécialité de bien bouger pour son gabarit, a souligné Croteau lorsqu’invité à se décrire par le TVASports.ca. C’est la fondation de mon jeu; je peux suivre la rondelle efficacement. Pour moi, chaque gardien est unique. Garder les buts est un art et tu dois peindre ton propre chef d’œuvre.»

Croteau pointe au deuxième rang de la USHL pour le taux d’efficacité (,915) et au quatrième échelon pour la moyenne de buts alloués (2,50). Des chiffres d’autant plus impressionnants que la USHL est une ligue qui met les gardiens à rude épreuve, par la nature échevelée et rapide du hockey junior. 

C’est certainement un facteur qui a incité Croteau à y disputer une autre saison avant de mettre le cap pour la NCAA : le volume de travail, tant en termes de matchs joués que de tirs reçus, allaient contribuer à sa croissance. Le jour du repêchage, Bobrov avait pourtant indiqué que Croteau se rapporterait cette année à l’Université Clarkson. 

«J’ai cru qu’une année supplémentaire dans le junior serait bénéfique pour mon développement, a expliqué l’imposant gardien au téléphone. Je voulais m’assurer d’être prêt à 100% avant de passer au niveau universitaire. Il s’agissait d’une décision personnelle et les Canadiens l’ont acceptée.»

Maintenant qu’il a pris son erre d’aller et qu’il s’est remis d’une blessure l’ayant tenu à l’écart pendant plus d’un mois, du 28 décembre au 10 février – blessure qu’il a préféré garder confidentielle, comme il en a très bien le droit –, Croteau se sent d’attaque pour la prochaine étape. 

«Si je poursuis sur cette lancée, je devrais être correct», a-t-il lancé en guise d’euphémisme. 

Le projet de Vincent Riendeau

Pour la grande majorité des espoirs du Tricolore, l’essentiel des communications avec l’organisation passe par le directeur du développement Rob Ramage. 

Or, les gardiens sont une espèce différente qui demandent une approche différente. S’il discute aussi de temps à autre avec Ramage, c’est surtout avec Vincent Riendeau que Croteau a affaire.

Plutôt méconnu du public, Riendeau occupe dans l’ombre un poste extrêmement important au sein des Canadiens, celui de directeur du développement des gardiens. La collaboration entre Riendeau et Croteau s’est amorcée au camp de perfectionnement de l’équipe au mois d’août dernier. 

«Avec Vinny, on tente de travailler autour de mes forces [mon gabarit, notamment], a noté le jeune cerbère. L’été dernier, un aspect sur lequel nous travaillions était mon transfert de poids quand j’effectue un arrêt. Vinny veut que je balance mon corps vers la rondelle afin de l’absorber, au lieu de simplement bouger les bras.»

Croteau, qui est par ailleurs du type à défier le tireur plutôt que de rester profondément dans son demi-cercle, s’inspire beaucoup de Carey Price et d’Andrei Vasilevskiy puisque ces derniers ont un gabarit similaire au sien. 

Price, vous l’aurez deviné, était son joueur préféré durant son enfance. 

C’est d’ailleurs la retraite éventuelle et apparemment inévitable de Price qui a confronté tant les partisans que les Canadiens à l’importance de miser sur une solide relève à la position de gardien de but. Une position qui a longtemps été tenue pour acquise, naturellement, à Montréal.

Mais avant d’avancer que cette relève n’en tient qu’à un seul homme, Jakub Dobes, encore faut-il analyser tous les prétendants. Et Emmett Croteau, en tant que projet, en est un.