Christian Mbilli, nouveau chouchou de la boxe?

Il suffirait à n’importe quel amateur de boxe de voir ou revoir le huitième round du combat entre Christian Mbilli et Carlos Gongora, livré jeudi soir au Casino de Montréal, pour tomber en amour avec le protégé d’Eye of the Tiger Management. 

C’est une leçon de courage que Mbilli (24-0, 20 K.-O) a donnée, si bien que le Français d’origine camerounaise pourrait bien être affublé du sobriquet entourant l’équipe de soccer de son pays natal : «lion indomptable». Voyez les faits saillants de son combat dans la vidéo ci-dessus.

«Pendant ce huitième round, sans vous mentir, j’ai vu mon travail passer, j’ai vu mes heures de souffrance à l’entraînement, j’ai vu mes objectifs et je me suis dit : “si tu ne survis pas à ce round, tu n’as pas d’affaire là”, a commenté Mbilli, après sa spectaculaire victoire par décision unanime des juges (99-91, 98-92, 97-93) face à Gongora. C’est là que je suis allé chercher mes couilles et je me disais qu’il ne me faisait pas mal et que j’étais plus dangereux que lui. C’était vraiment un travail psychologique.»

«Certes, il me faisait mal physiquement, mais psychologiquement, j’étais là, a ajouté Mbilli. J’ai ensuite réussi à retourner ce round en ma faveur. Quand, comme moi, vous dédiez autant votre vie à votre carrière professionnelle à la boxe, on n’a pas le droit à l’erreur. Il n’y avait qu’un seul chemin, celui de la victoire. Un point, c’est tout.»

Fortement ébranlée, Mbilli résistait donc aux attaques de son adversaire pendant que les spectateurs étaient au bout de leurs sièges, sinon carrément debout.

Merci à sa capacité cardio-vasculaire!

Si les amateurs présents au Casino ont été nombreux à retenir leur souffle, l’entraîneur Marc Ramsay n’a pas été le plus surpris par la réaction de Mbilli devant la tempête.

«On savait déjà, dans son équipe, qu’il avait ce courage en lui. Il l’avait déjà démontré en boxe amateur, puis au gymnase à l’entraînement. Maintenant, il l’a exposé aux amateurs, a dit Ramsay. En plus de son courage, ce qui l’a sauvé, c’est sa capacité cardio-vasculaire. Il n’a même pas eu besoin d’une minute de repos entre deux rounds pour revenir. Dans le même round où il s’est fait faire mal, il a été en mesure de virer ça de bord.»

Sans être abasourdi, l’entraîneur convient qu’il est passé bien près de conseiller à Mbilli de mettre un genou au sol pendant le huitième round. Avec Samuel Décarie-Drolet, qui était l’autre homme de coin, on était sur le point de lui envoyer de telles indications.

«Nous étions proches de lui dire ça, a avoué Ramsay. Il a été pendant une bonne minute un peu désorientée. On lui demandait d’accrocher, mais il n’arrivait pas à bien le faire et continuait de prendre des uppercuts. La clé dans tout ça, c’est qu’il est resté calme.»

Le promoteur Camille Estephan, qui se retrouve maintenant en meilleure position pour négocier un rendez-vous entre Mbilli et Canelo Alvarez chez les poids super-moyens, savait que le combat contre Gorgora était risqué.

«On veut donner un superbe spectacle et on veut défier nos boxeurs, avait-il admis, plus tôt cette semaine, à l’auteur de ces lignes. C’est aussi une manière de les développer. Il y a des fins à cette stratégie-là. On veut les amener en championnat du monde quand ils ont eu vraiment des leçons difficiles pour qu’ils gagnent et encore mieux, à la fin, pour qu’ils restent champion du monde.»

«C’est évident que c’est la fois où j’ai dû puiser le plus dans mes ressources depuis le début de ma carrière, a pour sa part conclu le volubile boxeur. Mais ça fait partie de la boxe. Quand c’est dur, il faut aller chercher au plus profond de soi, il faut aller chercher la détermination. Je pense que c’est ce qui fait la différence entre un boxeur ordinaire et un champion. Moi, quand je dis que je veux être champion du monde, je l’ai prouvé aujourd’hui (jeudi): je vais être champion du monde.»

Avoir le courage de quitter la France

Avant même de démontrer son courage dans le ring du Casino de Montréal, jeudi soir, le boxeur Christian Mbilli a foncé autrement lorsqu’il a choisi de quitter la France pour venir au Canada afin de poursuivre sa carrière de boxeur.

«Je suis admiratif de toutes les sortes de courage, notait lui-même Mbilli, après sa victoire époustouflante face à Carlos Gongora, jeudi soir. Il y a ceux qui sont courageux dans la vie de tous les jours… Je suis passionné par le courage en général, que ce soit en politique ou encore ces sportifs qui n’ont pas des parcours faciles, mais qui se relèvent. Aujourd’hui, je pense que j’ai démontré que je suis assez courageux. Ce n’est pas pour rien que j’ai immigré ici au Canada et laissé ma famille derrière moi en France.»

«C’est un athlète olympique qui a décidé de s’exiler de la France pour sa carrière, vantait d’ailleurs le promoteur Camille Estephan, plus tôt cette semaine. Ç’aurait été plus facile et possiblement plus payant pour Christian à court terme de rester là-bas, avec les commanditaires locaux, mais il a pensé à long terme et ça paie maintenant pour lui.»

Au Canada, son entraîneur Marc Ramsay ne pourrait être plus heureux de miser sur Mbilli, déjà champion WBC Contiental des Amériques et WBA International.

«C’est le rêve de tout entraîneur de travailler avec quelqu’un comme Christian, a-t-il confié. En plus de son talent, toutes les décisions qu’il prend dans sa vie, c’est en lien avec sa carrière. Ses heures de sommeil, son alimentation, la prévention des blessures, même ses contacts à l’extérieur du ring, il n’y a rien qui est laissé au hasard. Évidemment, il a une vie sociale, ce n’est pas un moine non plus, mais quand c’est le temps de s’entraîner, il se concentre complètement à son entraînement.»