Derrière une impression d’arrogance, le vrai visage de Kirby Dach

La casquette en arrière un peu lousse sur son crâne, un air nonchalant en débitant ses réponses : lorsque les caméras s’ouvrent, on peut percevoir une certaine attitude chez Kirby Dach. 

Et puisque les Blackhawks se sont empressés de l’échanger, trois ans seulement après l’avoir repêché au troisième rang au total, on pouvait rapidement tirer des conclusions lorsque Dach traversait un passage à vide avec sa nouvelle formation, les Canadiens de Montréal. La raison de l’échange pouvait être promptement assimilée à un problème d’attitude. 

Mais qui est vraiment Kirby Dach? Une question d’autant plus pertinente que le directeur général Kent Hughes a dû y répondre avec ses plus proches conseillers avant de se résoudre à faire son acquisition. 

Eric Florchuk est un ami d’enfance de Dach. Tous deux natifs de Fort Saskatchewan, en Alberta, les deux hommes ont joué leur hockey mineur ensemble, dès l’âge de 4 ans. Un heureux coup du destin a voulu qu’ils se retrouvent dans la Ligue de l’Ouest (WHL) lorsque, l’année du repêchage de Dach dans la LNH, Florchuk a été échangé aux Blades de Saskatoon. 

«Tu dois vraiment apprendre à le connaître pour interpréter correctement son comportement. Bien sûr, il a la manie de tout rendre compétitif, mais c’est quelqu’un de sociable et un être bon. Étant un de ses bons amis, il a toujours été quelqu’un sur lequel je pouvais compter quand j’en avais besoin.»

Crédit photo : fortsaskonline.com

«Swagger»

Parole de Florchuk, Dach, même à 4 ans, s’est toujours élevé au-dessus de la mêlée sur la patinoire. Il a toujours eu cette combinaison dangereuse : de grandes habiletés naturelles et un gabarit imposant. Deuxième sélection au total du repêchage bantam de la WHL, Dach était perçu comme un futur joueur de la LNH depuis belle lurette. Il a vite compris qu’il avait un don, et il en a développé une confiance en ses moyens qui peut être confondue avec de l’arrogance.

Un de ses anciens entraîneurs dans la WHL, Mitch Love, appelle ça du «swagger». Une assurance qui se situe sur la fine ligne entre la confiance et la prétention. 

«Il faut s’attendre à ce que de jeunes athlètes aussi talentueux aient du swagger. Dans le cas de Kirby, c’est quelqu’un qui en a toujours eu. Je crois que ça l’aide en tant que joueur de hockey. Pour certains, ça peut paraître arrogant. Mais tu dois vraiment apprendre à connaître en profondeur la personne. Finalement, tu découvres un petit gars humble, travaillant, qui ne recule devant rien.»

Louis Robitaille a lui aussi travaillé de près avec Dach, au Défi mondial des moins de 17 ans avec l’équipe canadienne en 2017-2018. L’homme de hockey a déconstruit à son tour certains mythes sur le jeune homme.

«Je l’ai adoré, confie-t-il. Je pense que c’est une éponge. C’est un gars qui, même à l’âge de 17 ans, voulait apprendre. C’était les années de Cole Caufield et de Jack Hughes, la grosse machine américaine, et Kirby était un leader pour nous; il avait un “A” sur son chandail. Il avait été très, très bon pour notre formation. Bien au contraire, c’est un gars qui veut se faire coacher. Ce n’est pas le gars qui va répondre et qui va avoir la parole facile. Bon, évidemment, c’est un gros bonhomme, il parait bien et il avait toujours l’étiquette de la Ligue nationale sur lui, mais c’est un gars qui est plaisant à côtoyer.» 

Faute de pouvoir œuvrer dans les coulisses, les partisans découvrent la personnalité des joueurs à travers leurs interactions avec les médias, mais l’exercice est souvent trompeur. 

Échos de vestiaire de Kirby Dach – 14 décembre 2022 –

«Il y a beaucoup de joueurs vedettes et de stars qui sont un peu moins à l’aise devant les caméras qui vont donner cette impression-là [d’avoir une attitude], mais dans mon expérience avec lui, il a toujours été extraordinaire, poursuit Robitaille. Ce n’est pas pour rien qu’André Tourigny l’avait nommé capitaine d’Équipe Canada avant sa blessure. Il était dans la Ligue nationale de hockey et il voulait aller représenter son pays durant l’année COVID. Ça démontre juste son engagement et son niveau de passion pour son pays et ses équipes. 

«Quelqu’un qui est imbu de lui-même aurait voulu rester dans la Ligue nationale et il n’aurait pas été nommé capitaine de son pays. Dach, ce n’est pas une mauvaise personne, bien au contraire.» 

La décision des Blackhawks de démissionner sur Dach a constitué une énorme surprise pour ceux qui le connaissent intimement.  

«Tu ne vois vraiment pas ça souvent…», admet Love. 

«C’est quelque chose qui sortait vraiment de nulle part pour tout le monde dans son entourage, souligne Florchuk. Je te dirais qu’il avait une petite motivation supplémentaire. Il était excité de se développer avec des joueurs de son âge dans une jeune équipe, mais il avait aussi quelque chose à prouver après avoir été repêché si haut puis échangé si rapidement par Chicago.»

Une obsession pour la compétition

Parmi les aspects les plus forts de la personnalité de Dach : son côté compétitif. Il est obsédé par l’idée de battre ses amis à n’importe quel jeu. Ça en devient même épuisant. 

«Quand je veux le froisser, je lui dis que son jeune frère [Colton] est meilleur que lui, révèle fièrement Florchuk. Oh que quand je lui ai dit ça, ça l’a dérangé! Du moment qu’on joue à quelque chose et qu’il y a une compétition, Kirby devient moins gentil. Je peux en témoigner parce que j’y ai goûté.»

Lorsqu’il est question des parties de golf auxquelles les deux amis s’adonnent pendant la saison morte, Florchuk se permet une autre pointe.

«Si Dach est un bon golfeur? Euh… ça depend des jours.»

Ce n’est pas le gabarit, le coup de patin ou la vision du jeu de Dach qui a fait la plus forte impression à Mitch Love lorsqu’il dirigeait le jeune homme dans la WHL. 

«L’élément qui ressortait le plus chez lui, c’était son esprit compétitif, affirme celui qui dirige maintenant le club-école des Flames de Calgary dans la Ligue américaine. Il veut être bon dans tout ce qu’il fait. C’était notre meilleur joueur à 17 ans. Ça vient avec beaucoup de pression. Mais il trouvait le moyen d’être notre meilleur joueur en étant compétitif.»

Kirby répond de ses actes – 26 janvier 2023 –

Et oui, comme vous vous en doutiez, Love répétait sans cesse à Dach de tirer davantage… 

«J’ai dû lui dire souvent, raconte l’entraîneur en riant. Souvent. Il a certainement un penchant pour la passe. Il a un tir sous-estimé.»

«Il a toujours été comme ça, confirme Florchuk. Il adorait préparer un but de toutes pièces pour ses coéquipiers. Il aime ce genre de mises en scène, mais il a aussi un tir lourd qu’il doit utiliser davantage.»

Récemment, on note un progrès indéniable à ce chapitre. Avec 10 buts en 49 matchs cette saison, Dach a déjà fracassé son record personnel. Et ce qui devrait inquiéter les équipes de la Ligue nationale de hockey, c’est qu’il commence enfin à utiliser efficacement son gros gabarit. 

«Dans le junior, il pouvait s’en sortir facilement puisqu’il était plus gros et plus fort que ses pairs, note Love. Mais dans la LNH, tu dois mieux utiliser ton corps pour récupérer des rondelles libres et attaquer le filet. Je le regarde ces derniers temps avec les Canadiens et je trouve qu’il commence à comprendre. Il est encore en train d’apprendre ce qu’il peut faire et ce qu’il ne doit pas faire à ce niveau pour devenir un joueur d’élite.»

Avec neuf points à ses 10 derniers matchs et 32 points au total cette saison, il est même permis de penser qu’à ce rythme, Dach pourrait dépasser Nick Suzuki (38 points) et terminer au premier rang chez les Canadiens. 

Dieu seul sait s’il sera un ailier ou un joueur de centre lorsque le Tricolore disputera son dernier match de la saison régulière. 

«C’est une bonne question, concède son bon ami Florchuk. Il peut jouer aux deux positions, ça c’est sûr, mais je crois qu’il préfère jouer au centre. Je pourrais certainement le voir aboutir à cette position. Seul le temps nous le dira.»