Félix n’a pas été Félix en Australie

Après avoir fait l’accolade à Jiri Lehecka au filet, salué l’arbitre, puis rangé ses raquettes, Félix Auger-Aliassiame a quitté le Margaret Court Arena en levant un pouce vers la foule qui l’applaudissait.

Malgré ce soupçon de positivisme, le Québécois avait le visage fermé. Ces quatre matchs à Melbourne ne se sont pas déroulés comme le souhaitait l’homme fort des dernières semaines de 2022.

Bien au contraire : un an après avoir atteint les quarts de finale aux Internationaux d’Australie, passant à un point de battre le Russe Daniil Medvedev, «FAA» dit ne pas avoir senti qu’il était en mesure d’«exprimer son jeu du mieux [qu’il] le pouvait.»

«Ça été une semaine compliquée. Je reste un peu sur ma faim», a concédé le sixième favori en Australie, près d’une heure après ce revers au quatrième tour contre le 71e mondial, 4-6, 6-3, 7-6 (2) et 7-6 (3).

Adapter sa stratégie

Il y a bien sûr eu l’histoire de ces fameuses balles Dunlop, qui ont tendance à perdre en vitesse au fil des échanges et qui ont forcé Félix, comme d’autres joueurs, à adapter leur stratégie.

Le Québécois a fait réduire la tension du cordage de sa raquette après sa deuxième ronde, remportée in extremis contre le 53e mondial, le Slovaque Alex Molcan. Un match dans lequel Auger-Aliassime a frôlé la défaite, tirant de l’arrière deux manches à zéro.

Il a aussi tenté de réduire l’effet sur son coup droit. De demeurer plus patient dans les échanges, d’attendre que son rival commette la faute.

Dimanche, la stratégie a fonctionné le temps d’une manche, pendant laquelle Félix semblait avoir retrouvé sa superbe, dans un stade où s’agitaient plusieurs drapeaux canadiens.

Mais le Tchèque de 21 ans auquel il faisait face a pris des allures de «tueur de géants» dans la dernière semaine. Et il ne comptait pas s’arrêter là.

Faisait fi de son classement mondial, Lehecka s’était déjà payé la 21e tête de série, le Croate Borna Coric, au premier tour. Il avait ensuite vaincu le Britannique Cameron Norrie, 11e favori, en troisième ronde.

Au premier set, le Tchèque semblait désespérément viser les coins, ce qui a mené à sa perte.

Mais il s’est ajusté pour le reste du match. Se tenant loin derrière la ligne de fond, Lehecka est parvenu à ramener plusieurs puissants services d’Auger-Aliassime en jeu.

Ça n’a pas empêché le joueur de 22 ans de réussir 20 as. Mais cela l’a placé en retard à plusieurs occasions lors de ses parties au service. Et en revanche, après la manche initiale, «FAA» n’a plus trouvé la clé pour briser son rival.

«Il avait un certain avantage»

On l’a bien vu chercher de l’aide dans sa box et même faire signe à son entraîneur Frédéric Fontang qu’il n’entendait pas bien ses conseils. Ce fut en vain.

Tant sur le terrain que dans les gradins, personne dans l’équipe «Auger-Aliassime» n’a semblé trouver la clé pour solutionner l’énigme Lehecka.

«J’ai disputé deux mauvais bris d’égalité, a reconnu Félix. Je pense aussi que dès la deuxième manche, il a été un peu meilleur que moi. Je peinais à gagner des points sur son retour. Alors une fois rendu au bris d’égalité, j’avais chaque fois l’impression qu’il avait un certain avantage sur moi, et ç’a lui a suffi pour me battre.»

Et après quelque 3 h 10 min de jeu, au moment où les lumières s’allumaient sur le Magaret Court, annonçant le début prochain de la session de soir, le rideau tombait sur le parcours de Félix à Melbourne.

Au bris d’égalité du quatrième set, Auger-Aliassime a bien réussi à récolter à 4-3. Mais il a ensuite concédé trois balles de match à son Lehecka, qui a concrétisé la première.

Pas assez constant

Les ennuis de Félix avaient commencé dès sa première sortie à Melbourne. Il avait mis quatre manches et quatre heures pour battre son compatriote Vasek Pospisil, 99e mondial.

Puis, il y a eu cette frousse en deuxième ronde, durant laquelle «FAA» a réussi à combler un déficit de deux sets pour la seconde fois de sa carrière.

Le troisième match, remporté en quatre manches contre le 27e favori, l’Argentin Francisco Cerundolo, pouvait laisser croire que le Québécois avait peut-être trouvé son erre d’aller.

C’était toutefois un mirage. Un mirage qu’un Félix serein a assumé en conférence de presse, prêt à tourner la page rapidement sur cette semaine difficile selon ses standards.

«J’ai montré un aperçu de mon meilleur niveau ici et là, mais je ne me suis pas senti aussi constant que je l’ai été dernièrement, ou lorsque je suis à mon meilleur niveau.»

«Je sais un peu ce qui s’est passé, mais il n’y a plus rien que je puisse faire pour l’instant. Le tournoi est terminé. J’ai fait de mon mieux. Je vais m’en remettre et me concentrer sur les prochains. C’est tout.»

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«FAA» n’a pas craqué sous la pression

Quelques jours avant son premier match aux Internationaux d’Australie, Félix Auger-Aliassime disait vouloir faire de ce début d’année le prolongement des dernières semaines de la saison 2022.

Fort de trois titres individuels consécutifs en octobre, de 16 victoires d’affilée et de la conquête de la Coupe Davis avec ses compatriotes, le Québécois n’avait pas vraiment envie d’afficher un nouveau calendrier sur son mur.

Mais non, «FAA» ne s’est pas mis à Melbourne la pression de répéter ses exploits de l’automne. En fait, le joueur de 22 ans dit ne même pas avoir eu le temps d’y penser.

Félix a plutôt passé les derniers jours, et surtout, les dernières rencontres, en mode solution.

«Je me sentais bien avant le match [de quatrième tour contre Jiri Lehecka], a pointé Auger-Aliassime. Les deux derniers matchs, je les ai bien commencés.»

«Mais j’ai connu des difficultés dans chacune de mes rencontres, alors je n’ai pas vraiment eu le temps de penser plus loin qu’au match que j’étais en train de jouer, a-t-il poursuivi. J’essayais juste de trouver un moyen de gagner, d’élever mon niveau de jeu.»

La page vite tournée

Le sixième favori ne compte pas non plus se torturer avec ces performances en deçà de son récent niveau.

Déjà quelques minutes après la défaite, une fois au vestiaire, Auger-Aliassime disait penser aux prochaines semaines. À comment il allait occuper son emploi du temps avant son prochain tournoi.

À ce retour à Rotterdam, à la mi-février, où il est le champion défendant.

«Après le match, je digère un peu mes émotions. J’essaye de demeurer calme. Et par la suite, en toute honnêteté, je pense à ce qui s’en vient pour moi», a-t-il expliqué aux journalistes venus à sa rencontre.

Contrairement à son compatriote Denis Shapovalov, Félix ne ressemblait pas à un joueur torturé après son élimination.

Une fois son bilan terminé, il a même remercié les journalistes pour leur présence et leur a souhaité un «bon retour», dans toute la classe qui fait sa bonne réputation sur le circuit.

Une attention rare de la part d’un joueur qui vient de perdre.

«Ce qui est fait est fait», a-t-il concédé sereinement.