Ils arrivent à prédire les vols du repêchage – TVA Sports

On le répète chaque année: le repêchage de la LNH est une science inexacte et, bon an mal an, des joueurs sélectionnés dans les rondes tardives parviendront à connaître de meilleures carrières que des choix de première ronde. C’est aussi vrai dans le hockey junior et une équipe de recherche de l’Université Laval croit avoir été en mesure d’établir le profil de ces joueurs à qui l’on appose ensuite le statut de «vols» du repêchage. 

L’étude a récemment été publiée dans le Journal of Sports Sciences, et les résultats sont fascinants. Mené par le postdoctorant Daniel Fortin-Guichard, le groupe de recherche a établi un partenariat avec les Remparts de Québec en 2019, pour mener à bien leur étude. Le plan, au départ, était de travailler avec le Canadien de Montréal.

«Je suis allé voir Patrick Roy et je lui ai demandé s’il pouvait me mettre en contact avec Marc Bergevin. Il m’a aussitôt dit: “non, tu vas l’essayer avec nous”», rigole-t-il au bout du fil.

L’idée était simple et complexe à la fois: il fallait établir le profil psychologique d’une centaine de jeunes hockeyeurs de 15 et 16 ans, admissibles au prochain repêchage de la LHJMQ. Avec les recruteurs des Remparts, ils en ont rencontré 95, leur faisant passer des tests «mesurant des caractéristiques psychologiques qui influencent les pensées, les émotions et les comportements», explique-t-on dans un communiqué de l’Université Laval. 

Des 95 joueurs testés, un total de 70 a été sélectionné après la deuxième ronde du repêchage de 2019, n’étant donc pas considéré parmi l’élite de leur groupe d’âge. Et ce sont sur ces 70 que les scientifiques se sont concentrés.

Crédit photo : Photo d’archives, AGENCE QMI (JOEL LEMAY)

Un profil type

Le groupe d’étude a laissé passer trois saisons, puis est retourné voir les recruteurs des Remparts avec une question bien simple: avec du recul, des 70 joueurs réclamés entre les rondes 3 et 14 du repêchage de 2019, lesquels auriez-vous dû repêcher, en vous basant sur leurs performances dans la LHJMQ.

Au total, ils en ont identifié 15. L’équipe de recherche est donc retournée voir le profil psychologique de ces 15 joueurs et un constat s’élevait chez ceux qu’ils qualifient de «talent latent [sleeping talent]».

«Dans leur profil psychologique, on remarquait que ce sont des joueurs qui prennent le contrôle de leur apprentissage et qui savent où aller chercher l’information dans une scène de hockey en déplaçant peu leur regard.»

Pas certain de comprendre? On vous l’explique simplement: lors de leurs rencontres en 2019, ils avaient présenté des séquences de hockey aux joueurs, qu’ils arrêtaient à des moments précis, leur demandant de se mettre dans la peau du joueur en question et de dire ce qu’ils auraient fait à leur place. Trois ans plus tard, ceux qui n’étaient pas considérés parmi l’élite, mais qui avaient réussi dans la LHJMQ avaient démontré des habiletés au-dessus de la moyenne à identifier l’action.

Crédit photo : Photo fournie par Daniel Fortin-Guichard

«Un joueur novice balaie l’écran du regard. Il ne veut rien manquer. Il ne sait tellement pas où chercher qu’il manque finalement tout. L’expert, lui, il sait où est l’action et va stabiliser son regard et maximiser sa prise d’information», image Daniel Fortin-Guichard.

Un premier test

L’étude n’a pu être menée auprès des cuvées de 2020 et 2021, en raison de la pandémie, mais a repris en 2022 et, lors de ce repêchage, les Remparts ont testé, pour la première fois, les données de Fortin-Guichard et son équipe.

«On a utilisé ces données comme si c’était un autre recruteur qui amenait une opinion différente. À la fin, on a pris deux joueurs dans les rondes tardives en se basant là-dessus et l’un d’eux a été une belle surprise au camp l’an dernier. On verra s’il pourra avoir une carrière dans la LHJMQ», révélait le recruteur-chef des Remparts à ce moment, Christian Vermette, qui est maintenant dépisteur pour les Oilers d’Edmonton.

Vers la LNH?

Pour l’instant, Daniel Fortin-Guichard réserve son expertise aux Remparts seulement, dans la LHJMQ.

Et si une équipe de la LNH était intéressée? Il écouterait.

«On est à l’année 4 de notre programme de recherche avec les Remparts. La méthode qu’on utilise, les équipes de la LNH pourraient l’utiliser, mais on retomberait à l’an 0 puisqu’un jeune de 15 ans, ce n’est pas la même chose qu’un de 17. Il faudrait refaire la même batterie de tests, avec 100 jeunes par année et on sortirait des prédicteurs», estime celui qui, dans un monde idéal, pourra poursuivre ses recherches en tant que professeur universitaire et non comme un employé d’une entreprise privée.