«J’étais rendu le grand-père des jeunes espoirs»

Le Québécois Jérémy Grégoire, qui a été repêché par les Canadiens de Montréal il y a une décennie, vient de compléter sa première saison en Europe après sept campagnes passées dans la Ligue américaine de hockey. S’il n’a pu vivre l’euphorie d’un titre, alors que ses Capitals de Vienne dans la ICE Hockey League ont été éliminés en demi-finale, c’est avec plein d’espoir et d’enthousiasme qu’il aborde le deuxième volet de sa carrière professionnelle.

En Amérique du Nord, Grégoire a porté l’uniforme des clubs-écoles de quatre organisations différentes de la Ligue nationale de hockey dans la LAH. Après la campagne 2021-2022, le joueur de 27 ans a senti que le temps était venu de passer à autre chose et a accepté un contrat d’un an dans la International Central European Hockey League, dont les équipes se situent en Autriche, Italie, Hongrie et Slovénie, pour s’établir dans la capitale autrichienne. 

Ainsi, le jeune homme a fait ses valises et a opté pour l’aventure.

«J’ai toujours voulu jouer en Europe, a confié d’entrée Grégoire dans un entretien avec le TVASports.ca. Mon père (NDLR : Jean-François Grégoire, qui est aujourd’hui le directeur général et l’entraîneur-chef du Drakkar de Baie-Comeau dans la LHJMQ) a joué en Europe quand il était plus jeune et il a beaucoup d’amis qui ont performé en Europe. Ç’a toujours été un objectif que j’avais derrière la tête. 

«Mais c’est vraiment à ma dernière année au Texas où, après sept ans dans la Ligue américaine, j’étais devenu le grand-père des jeunes espoirs. L’organisation et les équipes étaient toujours satisfaites de moi, mais plus dans un rôle différent. Je voyais que ma chance de monter (dans la LNH), comparativement aux jeunes, était devenue beaucoup plus mince. J’ai seulement 27 ans, je trouve que c’est encore jeune pour être seulement l’accompagnateur au but (qu’est) la Ligue nationale.» 

Retrouver un rôle offensif

Cette décision ne s’est pas prise sur un coup de tête et la réflexion a été étoffée. Outre le fait d’avoir le sentiment que d’évoluer dans la Ligue nationale ne semblait plus à sa portée, faire le saut en Europe a toujours été l’un des buts du Québécois. Mais le tout va plus loin que ça. Grégoire voulait retrouver un rôle plus offensif, auquel il était habitué dans la LHJMQ au lieu d’être le «bon vétéran» d’une formation dans la LAH.

«J’ai été un excellent joueur junior. J’ai essayé de retrouver un rôle un peu plus offensif, un peu plus de temps de glace aussi, a continué Grégoire. Ça m’enchantait. Je savais qu’en Europe, c’était un de mes objectifs que je voulais prouver, que j’étais capable de jouer au hockey dans une bonne ligue et de performer et d’être un atout. C’est ce que j’ai réussi à accomplir cette saison.

Crédit photo : Courtoisie: Vienna Capitals

«Je ne regrette pas mon choix du tout. Je pensais que c’était le temps de tourner la page avec la Ligue américaine et de reprendre un rôle plus satisfaisant au niveau de la contribution.»

Et le Québécois peut dire mission accomplie puisqu’il a amassé 35 points en 39 matchs lors de la saison régulière avec les Capitals, le tout agrémenté de 90 minutes de punition. Puis, il a enchaîné avec sept points en 11 matchs éliminatoires. Cela fait contraste avec sa récolte de 112 points en 383 duels dans la Ligue américaine, avec 641 minutes passées au cachot, et une maigre partie éliminatoire.

Des doux souvenirs avec le CH

Peu importe ce que lui réserve l’avenir, Grégoire pourra se targuer à jamais d’avoir été un choix des Canadiens de Montréal, qui l’avaient sélectionné au sixième tour du repêchage de la LNH de 2013. Il a évolué dans l’organisation montréalaise pendant trois ans, de 2015 à 2018; deux saisons avec les IceCaps de St. John’s et une campagne avec le Rocket de Laval.

«C’était un rêve de jeunesse de me faire repêcher par les Canadiens, […] je ne m’y attendais pas, s’est remémoré le joueur originaire de Sherbrooke. D’être capable de signer un contrat d’entrée ensuite, je trouvais que c’était l’étape ultime. 

«Les gens me demandent le plus bel endroit où j’ai joué au hockey. Je réponds toujours à leur grande surprise que c’est St. John’s à Terre-Neuve. Là-bas, nos deux années ont été exceptionnelles. On avait un groupe de jeunes joueurs qui montaient dans l’organisation avec un renouveau avec l’arrivée de (Marc) Bergevin. J’ai fait partie de ça.

«À Laval, je me rapprochais de la maison. J’ai joué junior majeur à Baie-Comeau pendant trois ans. Je suis originaire de Sherbrooke et je pense que c’était la première fois que je jouais dans un rayon acceptable pour que mes parents puissent venir me voir jouer. Ç’a été incroyable, je ne pouvais pas demander mieux.»

Crédit photo : CHANTAL POIRIER/JOURNAL DE MONTRÉAL/AGENCE QMI

Mais au final, le Québécois n’a pu disputer de match de saison régulière avec le Tricolore. Et ce fut la même chose avec les organisations des Predators de Nashville, des Coyotes de l’Arizona et des Stars de Dallas, dont il a fait partie par la suite.

«C’est sûr que j’aurais aimé avoir la chance (de jouer pour le CH en saison régulière), mais en même temps, il y a beaucoup de timing et d’opportunités aussi là-dedans, a-t-il philosophé. […] Avec ce que j’ai fait, je suis confiant que j’aurais pu avoir ma place dans certains matchs. Des fois, c’est le nombre de blessés, des fois, c’est la manière que tu performes. 

«J’ai quand même joué sept ou huit matchs hors-concours (avec le Tricolore). Je l’ai vécu mon moment au Centre Bell, j’ai réussi à marquer un but dans un match hors-concours. Toutes les émotions positives ou négatives, j’ai réussi à toutes les vivre avec les Canadiens et je suis devenu une meilleure personne par la suite.»

Lorsqu’Oslo s’invite à Vienne

Outre l’adaptation à une nouvelle réalité professionnelle – de nouveaux coéquipiers, un nouvel entraîneur, un style de jeu différent, une patinoire aux dimensions dissemblables à celles d’Amérique du Nord -, l’attaquant a également dû composer avec une réalité personnelle tout autre. Et ce, même si le tout a été adouci par la venue de sa conjointe, qui a délaissé son emploi au Québec, pour aller le rejoindre à Vienne.

«On a notre chien aussi avec nous (NDLR : un charmant Huskie-Labrador nommé Oslo), s’est réjoui Grégoire. Au premier congé, on est allés à Prague, on est allés à Budapest, on s’est promenés, on est allés sur la Côte d’Azur, à Nice, ensuite à Monaco. Ce sont des endroits, qu’en jouant en Amérique du Nord, jamais tu n’as la chance de faire ça. Autant que j’ai eu beaucoup de plaisir à Tucson, on voyageait sur la côte ouest, j’ai vu tous les États-Unis, ensuite au Texas. Mais c’est sûr que les voyages d’autobus sont un peu différents.»

Crédit photo : Courtoisie: Vienna Capitals

Vienne est située en plein milieu de l’Europe avec plusieurs destinations touristiques à quelques heures de train ou d’avion. Et la qualité de vie personnelle que la capitale autrichienne peut offrir à ses habitants est incomparable aux dires du Québécois. Et c’est la même chose pour sa situation professionnelle.

«Tu arrives ici, tes impôts sont payés, ton agent, l’équipe s’occupe de ça. Tu as une maison, tu as une auto et tu réduis tes matchs de 76 à 40 matchs par année, a expliqué Grégoire. Tu as des congés. Et en plus, le salaire est meilleur. 

«Rendu-là, c’est un emploi. (En comparaison), un avocat qui veut travailler dans un cabinet et le premier cabinet, ils font 60 heures par semaine et tu n’as pas tes fins de semaine. (Mais), oui, tu as un peu de chances de monter dans le plus gros cabinet. (De l’autre côté), tu choisis l’autre cabinet où c’est meilleur pour la famille et tu as un meilleur salaire et des meilleures conditions. Un moment donné, les gens vont choisir la rationalité.»

Un rêve qui se réalisera?

Il y a également une composante très personnelle à l’aventure européenne de Grégoire. Effectivement, le petit frère de l’attaquant, Thomas, évolue lui aussi sur le Vieux Continent alors qu’il a porté les couleurs du Rauma de Lukko depuis la saison 2020-2021. L’an prochain, il jouera en première ligue suédoise avec le Rögle BK.

Effectivement, l’idée d’être réuni à son frangin, de trois ans son cadet, plaît énormément à Grégoire.

Crédit photo : Courtoisie: Vienna Capitals

«J’ai joué contre lui dans la Ligue américaine, j’ai joué contre lui (au niveau) junior. Mais ça serait le fun de jouer avec lui dans la même équipe, a rêvassé le joueur d’avant. De la manière que nos carrières vont, ça serait le timing idéal pour jouer ensemble. […] Ça serait de voir les opportunités. Sinon, ce n’est pas plus grave que ça. On est sur le même continent. On est pas mal les deux seuls de notre famille sur le même fuseau horaire. Déjà là, c’est bon.»

Pour l’instant, Jérémy n’a toujours pas de contrat en poche pour la prochaine saison alors que Thomas, selon les dires de son frère, ne reviendra pas avec Lukko. La porte est-elle ouverte à une réunion des Grégoire sur les patinoires européennes?

L’idée a de quoi séduire!