Le chirurgien de Cole Caufield fait le point
Dans une saison 2022-2023 où les attentes étaient déjà mitigées pour les Canadiens de Montréal, Cole Caufield connaissait une campagne de rêve avant qu’il ne se résigne à passer sous le bistouri. Cette décision, prise après une deuxième, puis une troisième opinion, n’était pas de gaieté de cœur, il va sans dire.
L’abrupte fin de saison de Caufield est un mal nécessaire, certes. En ajoutant son nom à une filandreuse liste des blessés, le franc-tireur de 22 ans, marqueur de 26 buts et 36 points en 46 matchs à sa dernière année de contrat, il a choisi de mieux préparer l’avenir.
Ci-dessus, voyez un extrait de l’entrevue du chirurgien Peter J. Millett avec le journaliste Louis-André Larivière.
C’est donc à la suite de deux chutes survenues à Dallas et Nashville, pendant le périple des Fêtes du Tricolore, que Caufield a mandaté le Dr Peter J. Millett de remettre son épaule droite à point. Dans un entretien exclusif avec le TVASports.ca, ce chirurgien parmi les plus respectés de sa profession a tenu à offrir une importante précision, qu’il a faite avec l’autorisation du joueur du Tricolore.
Contrairement à ce que certains médias ont avancé, le numéro 22 n’a pas souffert d’une séparation de l’épaule. Il a subi au moins une dislocation et deux cas d’«instabilité».
Ainsi, au cours des derniers jours, le Dr Millett a exécuté une procédure Latarjet, intervention qui consiste à déplacer un morceau d’os avec un tendon attaché à l’avant de l’épaule afin de stabiliser et renforcer l’articulation, puis éviter qu’elle ne se disloque de nouveau.
«L’épaule n’allait pas se stabiliser avec une rééducation ou en la reposant», a clarifié celui qui a déjà été consultant pour le CH à l’époque où George Gillett en était le propriétaire.
Intervention «sans faille»
Pour des raisons de confidentialité, le Dr Millett ne peut révéler les étapes spécifiques de la chirurgie de Caufield. Il a toutefois illustré sa blessure à l’aide d’une analogie sportive : «c’est comme enlever le devant d’un tee de golf. La balle tombe plus facilement. Au fil du temps, nous avons appris que dans de tels cas, il faut restaurer l’os pour rétablir la stabilité.
«Lorsqu’il y a dislocation, cela signifie que la boule sort de l’emboîture et, si cela se produit de manière violente ou répétitive, l’os de l’emboîture peut être partiellement érodé», a-t-il ajouté tout en mentionnant qu’il y avait eu quelque peu de dommage à la partie avant de l’épaule de son patient.
Pour ce qui est des admirateurs de Caufield qui se soucient de son bien-être depuis qu’il a quitté la table d’opération, le réputé chirurgien de la clinique Steadman, au Colorado, n’a pas hésité à les rassurer dans la mesure du possible.
«Je vais seulement vous dire que l’intervention a été exécutée sans faille. Il n’y a eu aucune préoccupation, a-t-il assuré. Si tout se passe comme prévu avec sa guérison, on s’attend à ce qu’il soit entièrement prêt pour la prochaine saison.»
Le Dr Millett a fait savoir qu’il a discuté avec Caufield, mardi, et le jeune Américain laisse transparaître beaucoup d’optimisme : «il se hâte de revenir au jeu et il est enthousiaste en vue de la saison prochaine, a fait savoir le chirurgien.
«Il ne ressent aucune douleur et sa rééducation se passe bien. Il travaille fort. Il sera une menace à l’avenir, ça c’est sûr!»
La bonne décision
Pour le commun des mortels, le spectre d’une chirurgie a l’effet d’une décharge électrique. Elle engendre des craintes et remet en question la possibilité que le patineur reprenne sa vitesse de croisière.
Les patients du Dr Millett qui ont subi des procédures Latarjet n’ont pas eu de mal à retrouver la forme. Même que la forte majorité des athlètes, dont ceux de la LNH et la NFL, sont revenus au jeu «au même niveau ou à un niveau supérieur», selon ses dires.
La veille de l’étonnant communiqué des Canadiens annonçant la fin de sa saison, le 21 janvier, Caufield était dans de bonnes dispositions à l’entraînement. Une semaine plus tard, il a raconté d’un ton humoristique aux journalistes que les préposés à l’équipement avaient retiré ses bâtons.
Le Dr Millett a lancé à la blague que son patient serait déjà sur la glace si la décision lui appartenait : «je le retiens un peu!»
Caufield a également laissé entendre qu’il aurait continué à jouer si une participation aux éliminatoires était à l’horizon, un scénario duquel se sont défaussés les plus audacieux des parieurs dès l’automne.
«Laissez-moi vous dire que Cole ne voulait pas d’une intervention, raconte le Dr Millett. Il voulait continuer à jouer et nous avons discuté des risques associés à cela, puis de ce qui était mieux pour lui à long terme. [La chirurgie] était une nécessité.»
Caufield n’est évidemment pas le seul athlète à vouloir éviter la chirurgie. Il arrive fréquemment que les spécialistes doivent insister sur les dangers d’une telle obstination.
«Le risque général pour n’importe quel joueur aux prises avec une telle blessure, c’est qu’il encaisse un coup, que ça cause des dommages additionnels à son corps et que ce soit nuisible à sa carrière à long terme», raconte le Dr Millett.
«Pour avoir traité plusieurs athlètes, je peux vous dire que, de façon générale, ils ne veulent pas quitter l’entourage de leur équipe. Dans la plupart des cas, ils veulent soutenir leurs coéquipiers et faire leur boulot.
«Parfois, c’est à nous les médecins de leur dire que ce n’est pas dans leur intérêt de continuer, car ils se font plus de mal que de bien en jouant blessé.»
Évolution et perfectionnement
Grâce aux perfectionnements des sciences médicales, la phase de guérison est également moins longue que par le passé. Il s’agit d’une évolution encourageante pour un athlète comme Caufield.
«Je peux vous assurer que nous ferons tout en notre pouvoir pour qu’il soit prêt le plus rapidement possible et en toute sécurité.»
Pour ce type de blessure, la science a progressé et les connaissances ont évolué au point où les pratiques ne cessent de se perfectionner. Les patients se sentent plus en confiance et sont mieux renseignés lors des consultations.
«En ce qui a trait à l’instabilité de l’épaule, nous avons beaucoup appris. Nous sommes meilleurs avec les diagnostics. Nous sommes meilleurs pour détecter les subtilités et les différences d’une blessure à l’autre. Cela est dû à une meilleure connaissance des blessures, à de meilleures compétences en matière d’examen physique et à des technologies d’imagerie plus avancées, nuance le Dr Millett.
«Nous avons aussi compris quel type de chirurgie est plus convenable selon le cas, ce qu’on surnomme “l’indication”. Nous tenons compte de tous ces facteurs et nos algorithmes nous permettent de conclure quelle chirurgie est celle qui correspond le mieux aux besoins du patient.
«Il y a toute une gamme d’interventions qui peuvent être pratiquées. C’est à nous d’associer le traitement qui correspond au modèle de blessure. Nous avons fait des progrès à cet égard.»
Le cas de Josh Anderson
En mars 2020, lorsqu’il portait l’uniforme des Blue Jackets de Columbus, Josh Anderson a également fait appel au Dr Millett. C’était pour réparer une déchirure postérieure du labrum de son épaule gauche.
Lorsqu’il a réagi à l’annonce concernant Caufield devant les membres de la presse sportive, il venait de lui raconter que son épaule gauche semblait plus forte que celle qui était en santé avant de passer sous le bistouri. Une déclaration qui fait sourire celui qui a pratiqué la chirurgie.
«Je me réjouis qu’il sente que l’épaule que j’ai réparée est plus performante que l’autre! Je n’ai pas évalué (la droite), donc je ne peux commenter son propos. Je peux spéculer sur les causes et il peut y avoir une variété de facteurs, informe-t-il.
«Son épaule gauche est plus résistante, car il a continué de jouer dans la LNH (trois ans plus tard) au plus haut niveau et c’est agréable de le voir bien jouer.»
Sur le plan de la médecine, le cas d’Anderson est un exemple des améliorations apportées dans les pratiques chirurgicales.
«Pour un patient qui souffrait d’une déchirure du labrum, d’instabilité et qui n’avait pas subi de dommage à son os, on réparait le labrum. Nous avons maintenant une technologie plus à point pour le faire. Les implants que nous utilisons sont plus petits et plus résistants. En plus, ils n’ont pas de nœuds pouvant irriter les articulations.
«Parmi les plus utilisés, il y en a un que j’ai aidé à développer. La raison pour laquelle j’ai participé à sa conception est que je voyais des imperfections avec des appareils que nous utilisions historiquement.»
Tarasenko, une fierté
Les blessures aux épaules les plus fréquentes dans les sports de contact, d’après l’expérience du Dr Millett, sont les dislocations, les déchirures du labrum, les problèmes avec l’articulation acromio-claviculaire et les fractures de la clavicule.
À l’été 2021, le joueur des Blues de St. Louis Vladimir Tarasenko a consulté la clinique Steadman après avoir subi deux interventions précédentes. Son histoire est une fierté qu’éprouve le chirurgien à raconter.
«Il avait de la difficulté à performer au niveau qu’il souhaitait atteindre. J’ai pratiqué une chirurgie de révision. Lorsqu’il est revenu au jeu, il a vécu une saison fantastique. Il a guidé les Blues en séries et c’était une récompense pour lui.»
À la suite de la procédure Latarjet, Tarasenko est non seulement redevenu le patineur électrisant des beaux jours, il a connu la meilleure saison de sa carrière en 2021-2022 avec 34 buts et 82 points en 75 rencontres. Une victoire pour le joueur, mais aussi pour la science.
«Il avait encore beaucoup d’habiletés et certains doutaient de lui sans savoir à quel point la blessure le ralentissait. Il y a toujours un contexte et si vous n’êtes pas présent, vous ne pouvez savoir.
«Je suis très content que “Vlad” soit revenu au jeu et qu’il ait pu connaitre autant de succès. Il voulait se prouver.»