Le mythe de «l’avantage de la glace» en séries

Si on se fie aux premiers matchs, les séries éliminatoires s’annoncent encore très relevées cette année. Déjà, après seulement trois soirs, on a eu droit à quelques surprises et à des prolongations enlevantes.
On parle beaucoup de «l’avantage de la glace», mais dans les huit premiers affrontements, six ont été remportés par l’équipe visiteuse. Qu’est-ce qui explique ça? La parité entre les 16 participants est une partie de la réponse. Ça ne m’étonne pas vraiment, car tous les clubs n’ont pas volé leur place et ils sont tous talentueux. Personne ne veut se contenter de jouer les figurants.
Un autre facteur qu’on a tendance à oublier, c’est qu’il y a moins de distractions lorsque tu ne joues pas à la maison. Toute l’équipe reste ensemble à l’hôtel et passe ses journées en groupe, isolée dans sa bulle, ce qui aide à souder les joueurs.
C’est complètement différent pour l’équipe qui amorce son parcours à domicile puisque les joueurs sont séparés les uns des autres et peuvent être dérangés par des éléments extérieurs.
Par contre, s’il y a un match numéro sept, j’aimerais mieux qu’il soit devant mes partisans et être porté par la foule, ce qui peut t’amener à jouer à un autre niveau, en plus de pouvoir bénéficier du dernier changement.
Mais l’histoire nous rappelle que c’est arrivé souvent que les visiteurs gagnent l’ultime match d’une série. Je me souviens très bien d’avoir battu les Bruins à Boston en demi-finales de l’Est en 2014.
Dans ce contexte de grande parité, je m’attends à de longues séries en général.
Un éternel recommencement
Que tu gagnes ou non le premier match, il ne faut jamais perdre de vue que c’est une course à étapes. Ça ne prend pas une mais bien quatre victoires pour passer au tour suivant!
Le défi d’un entraîneur qui a perdu le premier match, c’est de s’assurer que la confiance de ton équipe n’est pas ébranlée. Il faut penser uniquement au prochain match et oublier ce premier obstacle sur ta route. Aucune équipe ne se rend jusqu’au bout sans traverser des embûches. Amorcer une série avec une défaite ne doit pas te perturber, d’où l’importance de bien entourer les joueurs.
Dans le cas contraire, tu ne dois pas croire que le reste sera facile. C’est un éternel recommencement. Le fameux momentum peut changer rapidement de côté…
Les séries éliminatoires dans la LNH sont très exigeantes physiquement et mentalement. Tu n’as pas le temps de souffler, les matchs se succèdent rapidement. C’est pour ça que la coupe Stanley est, selon moi, le trophée le plus difficile à gagner de tous les sports professionnels.
Le leadership est un élément tellement important. Ç’a un effet d’entraînement sur tout le groupe.
Je pense notamment à Corey Perry, un gars qui semble fait sur mesure pour les séries. C’est un vrai guerrier encore à son âge. C’est lui qui a donné le ton au premier match entre le Lightning et les Maple Leafs, mardi, à Toronto. D’ailleurs, ce sont les visiteurs qui ont remporté la première manche.
Les deux clubs étaient fin prêts. Comme c’est souvent le cas, ça s’est joué devant le filet. Ilya Samsonov avait l’air d’être dans un jeu de Pinball! Il ne contrôlait pas ses retours, ce qui est un signe de nervosité. Il n’était visiblement pas confortable devant sa cage et a ainsi enlevé un peu de confiance à son équipe. À l’opposé, tu sentais que le Lightning avait grandement foi en Andrei Vasilevskiy.
Soutirer le meilleur de soi-même
Pour connaître du succès en séries, il faut que chaque jouer aille chercher le meilleur de lui-même. Ce qui définit un gagnant, c’est sa capacité d’élever son jeu d’un cran dans les moments critiques et de se nourrir de la pression.
Les joueurs doivent réaliser que c’est un privilège d’avoir cette pression. Seuls les clubs exclus des séries n’en ressentent pas.
Une invitation pour le grand bal du printemps, ça se mérite. C’est avec cet objectif en tête que tu te bats pendant toute la saison. Chapeau à chaque équipe qualifiée. Le chemin pour y parvenir n’a pas été facile pour aucune d’entre elles. Même les Bruins ont dû faire face à de l’adversité à un certain moment.
Les joueurs et les entraîneurs doivent profiter au maximum de leur présence en séries. C’est à cette période de l’année que les plus beaux souvenirs de ta carrière se créent. Le 62e match de la saison, tu l’oublies rapidement, mais chaque moment en séries est mémorable.
Un grand privilège
Je me considère privilégié d’avoir vécu l’expérience à six reprises (2002, 2013, 2014 et 2015 à Montréal; 2007 et 2008 à Pittsburgh). C’était spécial à chaque fois. On percevait toute la frénésie partout dans la ville.
Ça demande beaucoup de préparation pour les entraîneurs, mais c’est la beauté de la chose. Comme compétiteur, tu vis pour ça. J’étais toujours super excité avant le début des séries et j’essayais de transmettre ma passion aux joueurs dans le vestiaire.
Je retire beaucoup de fierté d’y avoir participé aussi souvent. Mais comme le but ultime est de gagner la coupe, c’est mon plus grand regret aujourd’hui de ne pas y être parvenu. Je suis passé proche en 2008 avec les Penguins et en 2014 avec les Canadiens.
Après avoir perdu en finale la première fois contre les Red Wings, j’ai obtenu une nouvelle chance six ans plus tard à Montréal, mais la blessure subie par Carey Price en finale de l’Est contre les Rangers a mis fin à mon rêve. Je croyais en nos chances d’accéder à la grande finale, mais on ne jouait plus avec autant de confiance après la perte de Price. On ne répétera jamais assez l’importance d’un gardien au sommet de son art dans la conquête de la coupe Stanley.