Le renversant «destin tricolore» de Jacob Fowler – TVA Sports
Noël 2005. Jacob Fowler a 13 mois.
Sur le plancher de la résidence familiale, des jouets. Beaucoup de jouets. Une montagne de jouets.
Mais le petit Jacob n’a d’yeux que pour un item bien précis.
«Je le vois encore foncer vers le tas d’objets, l’air décidé au possible», se rappelle en riant son père Jay, à l’occasion d’une généreuse entrevue téléphonique.
Arrivé «à destination», bébé Jacob allonge le bras et saisi quelque chose qui s’avérera prémonitoire : un mini-bâton des Canadiens de Montréal.
«Et les mois suivants m’ont confirmé que ce choix n’était pas qu’un simple hasard, ajoute Jay. Ce fut le début d’une longue histoire d’amour entre Jacob et ce bâton. Il ne voulait pas le lâcher. Et il ne voulait jouer qu’avec ça! Il l’amenait littéralement partout! C’était une sorte de couverture de sécurité pour lui…»
Destiné à être un Canadien de Montréal?
Cette anecdote, aussi belle et magique puisse-t-elle être, est loin d’être la seule des dernières années à avoir contribué à la naissance (puis au maintien!) d’un amour très fort entre le clan Fowler, le Québec et les Canadiens.
Quelque part dans les années 90, le père de Jay (donc le grand-père de Jacob), alors bien établi en Floride, rencontre une femme de St-Jérôme nommée Sylvie Lanthier. Ils se marient en 1999.
«Quand mon père et Sylvie ont fait connaissance, je venais de graduer de l’école secondaire, précise Jay Fowler. Pendant toutes ces années, que ce soit avant ou après le mariage, je me suis très souvent retrouvé au Québec. J’allais skier dans les Laurentides avec mes frères et sœurs et même en été, nous passions plusieurs semaines à Mont-Tremblant, Saint-Sauveur et Morin-Heights.
«C’était spécial, pour moi. La culture était différente et la nourriture et les gens aussi. Nous sommes rapidement tombés en amour avec les Québécois et leur façon de vivre. Et cet amour pour le Québec ne m’a jamais quitté. Jacob est né en 2004 et a grandi en côtoyant Sylvie et son entourage. Il a évidemment connu tout ça, incluant la passion de la famille pour les Canadiens…»
Là où tout a commencé
Tel que spécifié en introduction, l’intérêt de Jacob Fowler pour le hockey ne date pas d’hier.
Dès l’âge de deux ans, armé de son mini-bâton des Canadiens (bien sûr!), il s’improvise acteur principal de plusieurs matchs enlevants un peu partout dans la maison familiale.
Puis, à cinq ans, le jeune homme fait ses débuts officiels au hockey.
«Son club se cherchait alors un gardien et Jacob a rapidement signifié son désir d’être l’élu, raconte le paternel. Il a toujours été passionné par la position de cerbère. Avant même de disputer son premier match, il regardait la télévision et les gardiens captaient son attention. Il était attiré par leur gros équipement et voulait lui aussi être le gars sous cette armure.»
C’est toutefois à l’âge de sept ans, indique Jay Fowler, que son garçon a vraiment démontré un talent particulier devant la cage.
«Il a été sélectionné au sein d’un club réunissant les meilleurs jeunes éléments de Tampa, Fort Myers et Fort Lauderdale. Le groupe est allé disputer un tournoi à Saint Catharines, en Ontario. Le calibre y était très relevé.
«L’entraîneur était Ryan Brindley (père de Gavin, repêché en deuxième ronde lors du dernier encan), un ancien des Red Wings et des Devils. L’équipe et Jacob ont très bien performé. Je pense que c’est à ce moment qu’il a commencé à ressortir du lot et à capter l’attention.»
«Tout le monde le connaît dans la ligue»
Et Fowler n’a jamais regardé derrière.
Lors de la plus récente campagne, soit 11 ans après ce fameux tournoi à Saint Catharines, le jeune portier, alors âgé de 17 ans, a connu une saison absolument fantastique dans l’USHL.
Porte-couleurs des Phantoms de Youngstown, Fowler s’est classé no 1 du circuit pour ce qui est de la moyenne de buts accordés et du taux d’efficacité. Il a été sacré gardien par excellence de l’USHL, a remporté la Coupe Clark (championnat junior américain) avec son équipe et a été l’élément central de cette conquête.
Entraîneur des gardiens chez les Phantoms, Neil Conway ne manque pas d’inspiration lorsqu’on le questionne sur le nouvel espoir du CH.
«Jacob est un gagnant. C’est aussi simple que ça. Et pas seulement en raison de sa capacité à briller lors des grands moments, mais aussi parce que son éthique de travail est déjà digne des professionnels. Il est obsédé par l’idée de devenir la meilleure version possible de lui-même. Chaque fois qu’il se présente à l’aréna, c’est pour aller chercher un autre niveau à son jeu.
«Jacob est très calme et posé devant son filet, poursuit Conway. Il ne panique jamais. Il ne sort pas de son demi-cercle pour rien et ne (nage) pas devant celui-ci sans raison. Il s’appuie beaucoup sur sa technique et est rarement pris hors position.»
L’attaquant Québécois Sacha Boisvert évolue pour les Lumberjacks de Muskegon dans la USHL. Il a affronté Fowler «4-5 fois» la saison dernière, mentionne-t-il.
«Son équipe était excellente, mais leur plus gros atout, c’était vraiment Jacob, lance le jeune homme, qui n’a absolument rien à gagner à couvrir Fowler d’éloges. C’est un excellent gardien qui n’accorde pratiquement jamais de mauvais buts. Il semble toujours très concentré. Tout le monde dans la ligue le connaît. Il a une super réputation auprès de tous les clubs.
«Ce n’est pas nécessairement le plus gros des gardiens, mais il se positionne tellement bien. Il n’y a que très peu d’options pour le tireur qui l’affronte. Si tu veux le battre, tu dois mettre quelqu’un devant lui.»
Un gardien… offensif?!
Un truc particulièrement étrange (ou impressionnant?) saute aux yeux lorsque l’on jette un œil aux statistiques 2022-2023 des Phantoms de Youngtstown : avec quatre (!) mentions d’aide à sa fiche, Jacob Fowler a récolté plus ou autant de points que sept de ses coéquipiers ayant joué 10 matchs ou davantage.
Rappelons à ce moment-ci que Fowler est… un gardien de but!
Pourtant, aucun des intervenants sondés ici n’est vraiment surpris des chiffres affichés par le cerbère de 18 ans. Surtout pas son père!
«Il a toujours voué un grand amour à la position d’attaquant. L’un de ses grands faits d’arme au hockey mineur a été vécu à sa deuxième saison. Il a alors disputé un tournoi en tant que gardien pour une équipe plus âgée, puis a pris part à la finale de sa catégorie d’âge en tant que joueur. Je pense qu’il a marqué six buts en troisième période pour aider son club à gagner!
«Il a toujours eu de grandes habiletés de marqueur et encore aujourd’hui, il aime disputer des parties en tant qu’attaquant, que ce soit au roller-hockey pendant l’été, ou dans une ligue estivale avec ses amis.»
Pour Neil Conway, Fowler est carrément un troisième défenseur,
«C’est un manieur de rondelle élite. Il peut relancer l’attaque quand il le veut, mais aussi compliquer l’échec-avant de l’adversaire en sortant de son filet.»
Lorsqu’on lui mentionne qu’un certain Carey Price se distinguait lui aussi par sa façon gérer le disque, l’entraîneur lance une phrase qui fera sourire plusieurs partisans du CH.
«Les deux gars (Fowler et Price) ont habiletés très comparables sur le plan du jeu avec la rondelle et des relances.»
De son côté, Sacha Boisvert raconte avoir été marqué par la «routine offensive» de Fowler, avant les matchs.
«Tu ne vois pas souvent ça chez un gardien, mais Fowler adore prendre plusieurs minutes, lors des périodes d’échauffement, pour dribbler avec la rondelle équipé de son gros bâton, de sa mitaine et de son bouclier. Je trouvais ça spécial, mais ça le sert visiblement très bien…»
«J’avais un petit pressentiment…»
C’est assurément pour cet ensemble de facteurs que Montréal n’a pas hésité à utiliser sa 69e sélection pour ajouter le gardien floridien à sa banque d’espoirs. Le moment, jure Jay Fowler, fut magique. Mais pas nécessairement surprenant…
«C’est vraiment un rêve devenu réalité. Ce repêchage représente énormément pour notre famille. N’empêche, j’avais un petit pressentiment que Jacob pourrait être repêché par Montréal et je lui ai partagé mon impression avant l’encan. Martin St-Louis, pour les raisons que vous connaissez, a passé plusieurs années en Floride, où nous demeurions. Et l’un de ses fils (Ryan) a affronté Jacob sur une très longue période. Au hockey mineur, Martin a assisté à de nombreux duels entre les deux. À l’école secondaire, (Prep School), Martin a dirigé son fils contre Jacob à quelques reprises. Puis, en décembre dernier, Ryan et Jacob ont représenté les États-Unis ensemble lors du Challenge Junior A.
«On peut dire ce que l’on veut, mais je sais que Martin a très souvent vu Jacob en action, ces 10 dernières années. Il sait quel type de gardien il est.»
Ajoutons cela à la très longue liste d’éléments reliant cette famille au Tricolore…
Et si la famille jubilait en apprenant la sélection de Fowler par Montréal, le jeune homme était lui aussi, affirme son entraîneur, extatique.
«Jacob et Montréal, c’est un merveilleux mariage. Il est tellement à l’aise devant les caméras! Il est toujours très calme et heureux de parler aux gens. C’est un gars qui aime la pression. Tout le monde sait à quel point le marché de Montréal est spécial pour ce qui touche les gardiens de but. Mais Jacob est motivé par le fait de jouer dans un marché bouillant. C’est aussi simple que ça!
«La première chose qu’il m’ait dite après avoir été repêché est : “Montréal? Quel endroit parfait pour moi!” Il était vraiment heureux. Il sait ce que signifie le poste de gardien partant pour les Canadiens.»
Trois éléments à travailler
Jacob Fowler est doté d’indéniables attributs. Mais comme tous les gardiens, et surtout les jeunes, il doit peaufiner certains aspects de son jeu avant de penser à la LNH. Engagé auprès de Boston College, c’est dans le Massachussetts qu’il aura, ces prochaines années, l’occasion de se perfectionner.
On a pu lire certains commentaires où la forme physique de Fowler était remise en question. Si Conway reconnaît que son protégé a encore quelques croutes à manger à cet égard, ses propos demeurent généralement très rassurants.
«Soyons clairs : dans la USHL, son niveau de conditionnement n’a jamais été un problème. Bien au contraire! Il a joué plus de 50 matchs et a quelques fois disputé trois parties en trois soirs. Et il était toujours aussi frais lors de la troisième joute! Pourrait-il être en meilleure forme? Oui! Mais il n’est vraiment pas loin des standards cardio-vasculaires de la AHL et de la LNH, croyez-moi.»
Ce dossier abordé, l’instructeur cite deux autres départements où il aimerait voir Fowler progresser, ces prochaines années.
«Je dirais qu’il doit, d’ici son arrivée chez les pros, travailler sa vitesse d’exécution et s’assurer d’être imposant en tout temps devant sa cage, même s’il le fait assez régulièrement.»
Et le travail, enchaîne Conway, commencera très rapidement.
«Le camp de développement des Canadiens maintenant terminé, Jacob se tiendra loin des patinoires pour quelques semaines. Il mettra son énergie sur sa force et son conditionnement en gymnase. Puis il recommencera à patiner vers la fin juillet-début août en vue de l’ouverture des camps d’entraînement en septembre.»
«Il peut devenir le gardien no un des Canadiens»
Évidemment, et le fan de sport moyen est ainsi constitué, il est toujours tentant d’y aller de projections dans le cas de jeunes athlètes.
Lorsqu’on demande à Neil Conway de se mouiller quant au potentiel moment où Fowler pourrait faire ses débuts dans la LNH, l’instructeur offre une réponse à la fois réaliste et logique.
«Je connais très bien Jacob et je dirais qu’une fenêtre de quatre ou cinq ans m’apparaît comme étant le scénario le plus sensé. Quelque chose comme : deux ans dans la NCAA, deux ans dans la LAH et une opportunité LNH au terme de cela.
«Mais il n’y a aucun doute : Jacob Fowler peut devenir le gardien partant des Canadiens de Montréal», lance l’homme de hockey avec aplomb.
Tout ça laisserait donc un petit moment à Jay Fowler pour préparer le prochain chapitre de sa vie, lui qui, martèle-t-il, n’hésitera pas à suivre son fils au Québec advenant la concrétisation du scénario évoqué par Conway.
«J’ai toujours dit que j’allais prendre ma retraite au Canada. J’adore la nourriture locale et… la neige! Plus jeune, je trouvais fantastique de pouvoir avoir des dizaines de patinoires extérieures à ma portée. En grandissant, Jacob était lui aussi en amour avec cette réalité.
«S’il s’établit vraiment à Montréal, vous pouvez être sûr que je serai en ville au moins six mois par année! Ce serait un rêve!»
Ce genre d’histoire ne s’invente pas.
18 ans après avoir mis la main sur le seul item à l’effigie des Canadiens disponible via le plancher de la maison familiale, Jacob Fowler tentera maintenant de démontrer que son plafond (!) est suffisamment élevé pour s’emparer d’un autre élément très convoité ayant un lien avec le CH: le poste de cerbère numéro un.