L’histoire à la portée de Laurent Dubreuil
Athlète québécois parmi les plus dominants dans le monde, Laurent Dubreuil est en position d’écrire une page importante de l’histoire du patinage de vitesse canadien alors qu’il se prépare à défendre son titre de champion mondial sur 500 m à compter du 2 mars aux Pays-Bas.
Après sa victoire de 2021 dans la bulle de Heerenveen aux Pays-Bas, un pays où les meilleurs patineurs ont le statut de vedette au même titre que les joueurs de la LNH au Québec, Dubreuil visera un deuxième titre en carrière, ce qu’aucun Québécois n’a réussi à faire jusqu’ici.
Dubreuil arrivera évidemment gonflé à bloc, lui qui a confirmé samedi sa première place au classement cumulatif de la saison pour une 2e année de suite.
Le Journal sera d’ailleurs sur place pour vous décrire ce moment qui pourrait marquer le sport québécois, et aussi exposer l’admiration que suscite le patineur de Lévis aux Pays-Bas.
Dans la Mecque du patinage de vitesse longue piste, Dubreuil est devenu il y a deux ans le troisième patineur de la Belle Province à remporter un titre mondial après le légendaire Gaétan Boucher en 1984 et 1985 et Sylvain Bouchard en 1998 sur 1000 m.
La victoire de Dubreuil était la première pour le Canada en 13 ans.
Une force de la nature
Il ne faudrait pas miser contre le patineur qui connaît depuis trois ans les meilleurs moments de sa carrière après quelques années difficiles et les doutes qui ont germé dans son esprit quant aux perspectives de dominer son sport, comme il l’envisageait à l’âge de 18 ans.
Depuis l’automne 2021, Dubreuil a remporté 13 médailles en 14 départs de Coupe du monde sur 500 m. Il n’a raté le podium qu’une seule fois.
Ce « raté » s’est d’ailleurs produit à l’occasion de la dernière course en 2022. Dubreuil n’a pas ouvert la machine à fond pour ainsi minimiser les risques de chute et s’assurer de remporter le titre au classement cumulatif de la Coupe du monde, un objectif qu’il avait toujours caressé.
L’explosion de Dubreuil en 2019 coïncide drôlement avec la naissance de sa fille Rose (voir autre texte ci-bas) et la venue du préparateur physique Jonathan Pelletier-Ouellet. Une vie plus équilibrée et le retour de la musculation ont transformé le patineur lévisien.

Allumé par la vitesse

Après sa première compétition en courte piste à l’âge de quatre ans, Dubreuil a eu droit à ses premières longues lames.
« J’ai détesté ça à ma première pratique, raconte-t-il. J’ai dit à ma mère que je n’étais pas bon et que je n’allais pas plus vite avec ça contrairement aux plus vieux. Deux semaines plus tard, j’allais plus vite. La vitesse m’a toujours allumé et je n’ai jamais aimé les longues distances. Les trucs explosifs ont toujours été ma force et mon intérêt. »

Dubreuil n’était pas le meilleur à ses débuts. « À cinq ou six ans, je n’étais pas capable de croiser dans les virages. D’autres jeunes étaient capables et ils étaient plus rapides que moi, même si je les battais en ligne droite. »
Ascension
Auteur d’un premier record canadien à 14 ans lors des nationaux, Dubreuil a continué son ascension en raflant cinq médailles.
Parmi sa récolte, il a notamment remporté trois fois l’or aux Jeux du Canada en 2011 à Halifax avant de conclure sa carrière junior par un coup d’éclat en 2012 au Japon en décrochant la première place au 500 m.
Il avait quelques semaines plus tôt établi un record mondial à Salt Lake City, marque qui a été battue récemment par le phénomène américain Jordan Stolz.
L’automne suivant son sacre au pays du soleil levant, Dubreuil a épaté la galerie en terminant en quatrième place à sa première Coupe du monde senior en carrière.
Un patineur différent depuis qu’il est papa

Deux événements ont une incidence majeure sur la progression fulgurante de Laurent Dubreuil, depuis 2019.
S’il avait connu certains succès en glanant une médaille ici et là en Coupe du monde et remporté le bronze au mondial sur 500 m en 2015, Dubreuil est dominant depuis la naissance de sa fille Rose et son association avec le préparateur physique Jonathan Pelletier-Ouellet à l’été 2019.
« Je ne sais pas quel événement est le plus important parce qu’ils se sont produits en même temps, mais ce fut un virage à 180 degrés dans ma carrière, image Dubreuil, qui est papa pour la deuxième fois depuis septembre 2022. J’ai débloqué et je suis passé à un autre niveau. C’est à compter de ce moment-là que je suis devenu le patineur que je suis actuellement. »
La présence de Rose a permis à Dubreuil de décrocher un peu du patin.
« Je n’étais pas assez équilibré, reconnaît-il. Je n’avais pas d’autres intérêts que le patin et l’entraînement. »
Gregor Jelonek abonde en ce sens.
« Après une mauvaise journée d’entraînement, il retourne chez lui et sa fille s’en fout, souligne son entraîneur de longue date. Elle est seulement contente de voir son père. Même chose pour son fils et sa femme. Il y a autre chose que la performance et la charge mentale a diminué. »
Retour à la musculation
En raison d’une blessure au dos qui l’ennuyait depuis longtemps, Dubreuil avait abandonné la musculation et ses résultats s’en ressentaient.
S’il comprenait la décision de son nouveau protégé compte tenu de la douleur, Pelletier-Ouellet savait aussi très bien que le succès de Dubreuil passait par le retour à la musculation.
« Si Laurent voulait se battre avec les meilleurs, on devait réintroduire la musculation, parce qu’il y avait un manque à gagner au niveau de la force et de la puissance, explique-t-il. Laurent pouvait sortir une ou deux bonnes courses par année en raison de son talent et de sa technique, mais il n’avait pas la constance qu’on lui connaît maintenant. Il y a des raisons à cette constance. »
Le préparateur physique a commencé lentement.
« C’est le jour et la nuit entre les poids [60 kg contre plus de 200 kg] qu’il soulevait au départ et maintenant. Pour un gaillard de sa trempe, c’était ridicule les poids qu’il soulevait. »
S’il convient que la musculation a joué un rôle clé dans l’émergence de son protégé, Pelletier-Ouellet met aussi en lumière un autre changement important.
« En devenant père, ça lui a permis de remettre les choses en perspective. Ce n’est pas la fin du monde de connaître une mauvaise journée quand tes enfants et ta femme t’attendent à la maison. Après une contre-performance, il n’est pas chez lui à brailler sa vie. C’est beau le patin, mais trop, c’est comme pas assez. La naissance de ses enfants a eu un impact majeur sur la façon dont il aborde la compétition. »