No Way Out à Montréal: déjà 20 ans!
Il n’y a pas de doutes. Les deux événements de la WWE du week-end dernier ont été couronnés de succès. Et curieusement, ils sont arrivés 20 ans presque jour pour jour après un autre grand événement de l’histoire récente de la lutte au Québec, No Way Out.
En effet, le 23 février 2003, la WWE venait à Montréal avec ce qui était à l’époque son deuxième PPV dans la métropole, le premier depuis le fameux Survivor Series 1997.
Un peu comme avec Élimination Chamber, il s’agissait du dernier PPV avant WrestleMania, alors on avait mis le paquet. Toutes les grosses vedettes y étaient: Evolution, composé de Triple H, Ric Flair, Randy Orton et Batista, Shawn Michaels, Chris Jericho, Rob Van Dam, l’Undertaker, Brock Lesnar, Kurt Angle et j’en passe.
Du lot, deux matchs retenaient l’attention.
Le premier, un combat entre le directeur général de Raw, Eric Bischoff, et nul autre que «Stone Cold» Steve Austin. Il s’agissait d’un retour dans l’arène pour Austin, lui qui avait quitté temporairement à l’été 2002. Le combat n’avait duré qu’un peu plus de 4 minutes. Austin avait gagné après avoir appliqué trois «stunners» à son adversaire. Il ne lutterait que deux autres fois cette année-là, avant de prendre une pause de 19 ans.
Une finale à saveur québécoise
Pour sa part, la finale de la soirée opposait Hulk Hogan à The Rock, dans un match revanche de WrestleMania 18. Mais cette fois-ci, The Rock était clairement le vilain et Hogan, le favori de la foule. Si celui qui allait davantage être connu sous le nom de Dwayne Johnson a gagné le combat, ce n’était pas tant le résultat qui comptait plus que la façon avec laquelle il a gagné.
Et pour le Québec c’était encore plus particulier, car The Rock a gagné avec l’aide d’un arbitre spécial, le Québécois Sylvain Grenier.
À l’époque, Grenier n’était pas connu des amateurs de lutte. Il s’entraînait avec Rocky Johnson, le père de Dwayne, à son école de lutte de Miami. Il n’avait pas encore eu de matchs à la WWE et n’avait même pas de permis de travail pour les États-Unis. Le spectacle à Montréal venait donc à point pour lui.
«C’est Kevin Dunn qui m’avait appelé pour me dire que j’allais être l’arbitre du combat, se souvient Grenier, dans un entretien exclusif. Je n’avais pas encore de contrat avec la WWE. Je m’entraînais quatre à cinq heures par jour. On était quelques élèves, dont Orlando Jordan, qui était déjà très bon. Vingt ans déjà, c’est fou!»
Être arbitre à la lutte professionnelle est un rôle plus compliqué qu’on pourrait le croire. Il ne suffit pas de compter les trois secondes à la fin du combat, encore moins lorsque le tout est à la télévision. Entre autres choses, l’arbitre est la personne qui fait le lien entre la production et les lutteurs, qui relaie les messages entre l’agent et les personnes dans l’arène, mais aussi entre les combattants eux-mêmes, et il a un rôle primordial à jouer dans le minutage du combat.
Il n’est donc pas évident de le faire pour un lutteur expérimenté, imaginez pour une personne qui apprend encore les rudiments de la lutte.
«Je m’étais entraîné avec quelques arbitres, mais principalement Mike Chioda. C’est difficile être arbitre. Tu dois tout savoir! Ça m’avait beaucoup aidé d’avoir appris ce rôle lorsque j’ai débuté à lutter à la télévision», explique l’athlète de 45 ans.
S’il était coutume pour lui de côtoyer The Rock à cause de son père, c’était une tout autre histoire avec Hogan.
«The Rock, j’allais souper chez lui! Mais Hogan, c’était le gars que j’allais voir lutter plus jeune quand ma mère m’amenait au Forum. J’étais plus starstruck, plus impressionné.»
Le scénario du match, la fin surtout, n’en était pas une facile pour une recrue.
Après une descente de la cuisse de Hogan pour un tombé, les lumières se sont éteintes. Lorsqu’elles se sont rallumées, Grenier était au sol et Vince McMahon est apparu, distrayant Hogan. C’est alors que le Québécois a glissé une chaise au Rock, qui a frappé son adversaire avec celle-ci, avant d’appliquer sa prise de finition, le Rock Bottom. Après le combat, McMahon a célébré avec Johnson et Grenier.
«Ce n’était pas évident, avoue Grenier. Il y avait les lumières, la chaise, les angles de caméra. Mais ça avait super bien été. Quand Vince est venu nous lever les bras à moi et au Rock, ce n’était pas prévu. J’ai encore cette photo-là!»
Grenier : différent de Zayn et Owens
Grenier allait ensuite jouer le même rôle, mais à WrestleMania 19 pour un combat entre Hogan et McMahon. Tout cela avant de débuter officiellement sa carrière de lutteur avec la WWE.
«C’est dur d’aller plus haut que ça, reflète Grenier. À un moment donné, c’est sûr que j’allais manger mon pain noir!»
Contrairement à Kevin Owens et Sami Zayn, Grenier a commencé sa carrière en haut de l’échelle avec la WWE, pour ensuite la terminer plus bas, sur le circuit indépendant. Vingt ans plus tard, il voit le tout avec une certaine perspective et cela lui amène une réflexion.
«Je n’aurais pas été capable de faire ce que Sami et Kevin ont fait. Coucher dans des hôtels miteux, lutter pour presque rien. Je n’ai pas eu à faire tous les sacrifices qu’ils ont faits, explique le natif de Varennes. J’avais commencé au Centre Bell avec The Rock et Hogan. Tu te dis, wow, est-ce que je suis chanceux ou quoi? Moi, la lutte a fait partie de ma vie, mais ma vie ce n’était pas la lutte. Pour eux, c’était tout ou rien, pas de demi-mesures et c’est ça que ça prend pour te rendre à ce niveau-là. J’étais très émotif quand j’ai regardé le Elimination Chamber samedi. Je l’ai même écouté deux fois!»
Elimination Chamber à Montréal, sa place dans l’histoire
Le lien que Grenier fait entre No Way Out et Elimination Chamber est intéressant parce qu’il s’agit de deux des plus gros événements produits par la WWE à Montréal dans les 25 dernières années.
En effet, quand on regarde les plus grosses assistances de lutte des 25 dernières années à Montréal, soit depuis 1998, les deux événements de la semaine dernière se classent très bien, tout comme No Way Out.
Les 17 271 personnes pour Elimination Chamber en font la plus grande foule de cette période. Suivent ensuite le Raw après WrestleMania 18 du 18 mars 2002, avec 15 500 spectateurs; SmackDown de vendredi dernier avec 15 455; No Way Out 2003 avec 15 114 personnes et en cinquième position, le tout premier SmackDown présenté à Montréal, le 16 octobre 2001, avec 14 068 amateurs.
La fin de semaine qu’on vient de vivre est donc difficile à placer dans l’histoire de la lutte québécoise parce qu’il n’y a rien de vraiment comparable.
Deux spectacles télévisés en deux soirs, dont un événement spécial, dans la même ville, dans le même aréna, qui attirent plus de 32 000 personnes au total, ce n’est jamais arrivé auparavant.
La semaine dernière, j’en parlais comme étant la plus grosse fin de semaine de lutte à Montréal en 25 ans. Mais force est d’admettre que les événements du week-end dernier ont fini par surpasser ceux du Survivor Series 1997.
Bien qu’il s’agissait du premier PPV en sol québécois et qu’il y avait une belle frénésie entourant l’événement, c’est davantage l’après-Survivor Series qui a fait jaser avec le « screw job » de Bret Hart par Vince McMahon et tout ce que cette situation a créé.
Alors que lorsqu’on s’y attarde, entre les assistances, le fait d’avoir un Québécois en finale, l’ovation de Sami à SmackDown, l’apparition de Kevin Owens, la super boutique, le spectacle de l’Undertaker, la couverture médiatique, le « buzz » que les deux spectacles ont créé, quand on met tout ça un à la suite de l’autre, il est clair pour moi qu’il s’agit d’une plus grosse fin de semaine de lutte qu’en novembre 1997.
Peu de comparables
Il faut remonter en juillet 1973 pour voir quelque chose de semblable.
Le 14 juillet 1973, 29 127 personnes s’étaient entassées au stade du parc Jarry pour voir Mad Dog Vachon battre Killer Kowalski. Il s’agissait de la plus grosse assistance de lutte dans l’histoire de la province et une foule plus importante que 80 des 82 matchs des Expos à domicile. C’était il y a bientôt 50 ans et j’aurais la chance d’y revenir cet été.
Deux semaines plus tard les As de la Lutte attiraient 20 000 personnes au Forum pour un match entre Jacques Rougeau Sr et Dick Taylor, match qui n’aura jamais lieu alors que Taylor ne s’était pas présenté. Rougeau avait donné une volée à Eddy Creatchman à la place.
Près de 50 000 spectateurs en tout, mais c’était sur deux semaines et ce n’était pas la même organisation.
Le 31 juillet 1972, Lutte Grand Prix avait attiré 15 000 spectateurs au Colisée de Québec pour une finale entre les frères Vachon et les frères Leduc. Deux soirs plus tard, le même groupe attirait 20 347 personnes au Forum pour le match revanche entre le Géant Ferré et Don Leo Jonathan.
Plus de 35 000 personnes en trois soirs, mais ce n’était pas dans la même ville.
Un autre comparable pourrait être ce que j’appelle « l’été de Carpentier ». À l’été 1956, le premier d’Édouard Carpentier à Montréal, le Français avait attiré 23 227, 20 139 et 21 454 spectateurs en trois matchs au stade Delorimier, soit un face à Argentina Rocca et deux face à Kowalski, le tout en moins d’un mois, du jamais vu!
Plus de 60 000 personnes pour trois événements, mais en un mois.
Alors comme vous voyez, il est difficile de comparer ce qui s’est passé à Montréal la semaine dernière. Dans un certain sens, c’est vraiment unique ce qu’on a vécu.
Et peu importe s’il s’agit de la plus grosse fin de semaine de lutte des 25 ou 50 dernières années, une chose est certaine.
À la lumière de ses comparables, les spectacles des 17 et 18 février 2023 feront maintenant partie des moments les plus marquants de la riche histoire de la lutte au Québec.