Québécois repêchés par le CH: Donald Audette répond aux critiques

«La représentation québécoise au sein des Canadiens de Montréal est extrêmement importante pour moi. Je me bats pour les gars d’ici.»

À quelques semaines de son 11e repêchage à titre de recruteur pour le CH, Donald Audette commence à connaître la chanson et il n’est pas dupe. 

Il sait pertinemment que dès la fin du prochain encan, le nombre d’espoirs québécois ajoutés à la banque du club sera encore une fois l’un des sujets de l’heure chez les amateurs et analystes de la Belle Province.

Couvrant principalement le territoire du Québec et des Maritimes, Audette est logiquement bien au fait de l’existence de critiques reprochant à l’organisation «d’oublier d’où elle vient et de favoriser les patineurs d’ailleurs», lors des différentes séances de sélection. S’il est incapable de rester de glace devant de telles allégations et ne les partage pas, il dit quand même saisir à 100% ce qui pousse les gens à s’exprimer avec autant de passion. 

«Le peuple québécois est fier de son CH. Je comprends tellement pourquoi tout le monde souhaite un fort ratio de joueurs locaux avec les Canadiens! Nous évoluons à Montréal et cette équipe n’est rien de moins qu’une tradition pour les francophones. Je le sais parce que j’ai grandi et joué ici, moi aussi.»

Pour les curieux, les chiffres exacts sont ceux-ci: au cours des dix derniers repêchages, Montréal a jeté son dévolu sur autant d’espoirs de chez nous (note: Riley Kidney en 2021 et Sven Andrighetto et Martin Reway en 2013 ne sont pas comptabilisés ici, car ils ne sont pas Québécois, mais ils sont des produits de la LHJMQ). Sur les dix, neuf ont été sélectionnés entre la 4e et la 7e ronde, alors que Zachary Fucale fut un choix de 2e ronde. 

Oui, c’est un bilan qui mérite assurément certaines questions. Plusieurs questions, en fait.  

À l’occasion d’un long entretien téléphonique avec le TVASports.ca, Donald Audette a justement fait preuve d’une belle transparence, s’ouvrant notamment sur son parcours, sur les réalités de son mandat de dépisteur et sur le fameux processus menant aux sélections finales des Canadiens, le jour du repêchage.

Des explications qui, très objectivement, remettent certains éléments en perspective. Mais ultimement, la façon dont vous les interprêterez ne regarde que vous…

Le Québec tatoué sur le cœur 

Donald Audette a joué l’entièreté de son hockey mineur et junior à Laval, ville où il a aussi vu le jour en septembre 1969. 

Repêché par les Sabres de Buffalo en neuvième ronde de l’encan de 1989, l’ancien ailier droit a finalement disputé 735 matchs dans la LNH, dont 90 avec le CH. C’était entre 2001 et 2004.

Même si sa carrière de joueur ne s’est pas terminée à Montréal, Audette précise qu’il n’a jamais hésité à rentrer au bercail lorsqu’il a pris la décision d’accrocher ses patins. Il voulait notamment donner temps et amour à la structure de Hockey Québec.

Après quelques années passées dans la chaise de directeur technique des formations élites des Basses-Laurentides, l’homme de 53 ans est devenu, en 2010, directeur général du Phoenix du Collège Esther-Blondin, une équipe de la Ligue de développement du hockey M18 AAA (anciennement «Midget AAA»).

Crédit photo : Le Journal de Joliette

En 2012, il a été embauché par le Tricolore à titre de recruteur, mais a conservé ses fonctions avec le Phoenix et a aussi accepté un rôle qui lui a ouvert les yeux quant au véritable potentiel des jeunes joueurs de hockey du Québec.  

«En 2013-2014, j’ai dirigé Équipe Québec U17, lors du Défi mondial des moins de 17 ans. On a notamment battu l’Ontario 2-1 et ce club comptait dans ses rangs huit ou neuf futurs choix de première ronde dans la LNH, dont Connor McDavid et Aaron Ekblad. Aujourd’hui, seulement quatre ou cinq gars de notre équipe jouent dans la LNH, alors qu’on y retrouve plus d’une quinzaine de joueurs de nos adversaires ontariens, dont plusieurs sont dominants. Mais on les a quand même battus, ce jour-là. Un Québécois est aussi bon qu’un autre et peut rivaliser avec n’importe qui!»

«Tu ne vendras jamais une Mazda à un gars qui veut avoir une Ferrari»

L’amour et la passion de Donald Audette envers le «produit local» est, vous venez de le lire, sans équivoque. Avec des gains totaux de plus de 16M$, il aurait bien pu, au terme de sa carrière de joueur, décider de profiter d’une douce retraite loin des arénas québécois. Il a plutôt choisi de tenter d’y améliorer les choses. 

À un certain moment, au cours de la discussion, l’ancien attaquant y va de la phrase suivante : «oui, je couvre le territoire du Québec en tant que recruteur des Canadiens, mais je ne suis pas celui qui prend les décisions finales au repêchage». 

L’auteur de ces lignes relance alors Audette comme suit : «c’est évident et je pense que plusieurs personnes le comprennent! Mais parle-moi justement du processus menant à ces fameux choix finaux. Ça peut en éclairer plusieurs, ça…»

«Moi, répond-il, mon travail est de parcourir la province et de cibler les joueurs qui, selon mes analyses, ont une chance de jouer dans la LNH, la LAH ou la ECHL. Je les soumets ensuite à mes collègues et patrons. Les gens doivent saisir que le nom prononcé le jour de l’encan est le fruit d’un travail impliquant plusieurs personnes. Le CH compte sur de nombreux recruteurs qui couvrent le monde entier. Et parfois, tous ces gars-là, incluant Serge Boisvert (l’autre recruteur québécois du CH) et moi, ont un coup de cœur et vantent les joueurs qu’ils ont vu! Ça fait beaucoup de candidats possbles, ça! 

Crédit photo : Joël Lemay / Agence QMI

«En bout de ligne, le directeur général et le recruteur-chef tranchent et optent pour le patineur qui, au terme des discussions avec tous les dépisteurs et selon leurs observations personnelles, leur semble le meilleur disponible. Parfois, tu aimes un joueur, mais le DG et le recruteur-chef ne l’aiment pas, ou ne l’apprécient pas autant. Tu ne vendras jamais une Mazda à un gars qui veut avoir une Ferrari, image notre interlocuteur. Et cette métaphore s’applique autant à l’espoir québécois qu’à l’espoir américain.»

On comprend, par les dernières paroles d’Audette, qu’il peut bien défendre un joueur d’ici comme s’il n’y avait pas de lendemain devant ses supérieurs, mais si ceux-ci ont un autre coup de cœur ou qu’il n’y a pas consensus à l’interne, le patineur en question ne sera pas le choix de l’organisation. 

«En fin d’année, tous les gens autour de la table déposent leurs listes et on s’obstine, en attendant de s’entendre (rires). Je me répète, mais on est peut-être 15 recruteurs autour de la table, en plus de Martin (Lapointe) et de Nick (Bobrov) qui se promènent partout toute l’année et qui voient de nombreux joueurs. Il n’y a pas juste Serge, moi et Kent Hughes autour de la table! Mettez tous ces éléments ensemble, rappelez-vous que l’équipe n’a que sept ou huit sélections par année et vous avez là une explication qui se vaut…»

Le CH s’est «très souvent» fait couper l’herbe sous le pied

Il existe donc certains cas où le CH, au repêchage, a passé son tour sur un Québécois parce qu’une majorité à l’interne n’était pas convaincue qu’il était meilleur qu’un autre espoir. 

Mais il y a aussi eu plusieurs épisodes, jure Audette, où l’équipe a tout simplement été court-circuitée.

«Honnêtement, c’est arrivé très souvent qu’un gars de chez nous qu’on voulait vraiment se soit fait repêcher tout juste avant qu’on puisse le prendre. Parfois, entre nous, on essaie d’évaluer les besoins des autres équipes et on se dit que certains gars qu’on aime seront libres quelques rangs ou une ronde plus loin. Mais il y a des cas où ces joueurs-là sortent plus tôt qu’on l’anticipait. 

«On parle souvent du passé, mais à 32 équipes, les probabilités de voir un patineur que tu aimes aboutir ailleurs sont plus grandes que lorsque la ligue ne comptait que 18 clubs…»

Crédit photo : LNH.com

Il y a aussi d’autres cas où Serge Boisvert et Donald Audette ne sont eux-mêmes pas convaincus du potentiel d’un joueur local toujours disponible. Très souvent, à moins d’un immense revirement de situation, l’organisation passera donc son tour sur celui-ci et optera pour un talent extérieur. 

«De septembre à janvier, on va voir tous les joueurs et toutes les équipes. Après les fêtes, on analyse nos listes et rapports et on se concentre sur les gars qui ont le plus capté notre attention. Puis, en fin d’année, je fais beaucoup de séances vidéos pour comparer les joueurs européens et américains aux Québécois que j’ai observés toute la saison. Je veux m’assurer d’être objectif et d’avoir tous les éléments en main pour débattre convenablement lors des discussions de groupe.»

Lorsqu’on lui demande si les critiques des gens le ciblant personnellement le dérangent un peu considérant tout le travail qu’il abat en cours d’année, Audette prend une légère pause, puis se permet une petite pointe qu’on sent libératrice. 

«Ben oui! Ce n’est peut-être pas parfait aux yeux des gens et je comprends leur engagement et leur passion, mais mon emploi me fait voir 160 parties par année et il y a certaines personnes qui n’ont jamais vu les joueurs et qui se basent sur des ouï-dire…»

«Un beau petit groupe»

On sent, à travers les propos d’Audette, qu’il est toujours autant passionné qu’en 2012 par ses fonctions de recruteur. On sent aussi, via notre discussion avec lui, qu’il règne actuellement un fort sentiment d’unité au sein du personnel hockey des Canadiens. 

«Serge Boisvert et moi, par exemple, on se parle probablement à tous les jours! On s’appelle et on compare nos observations sur les joueurs que l’on analyse. On s’obstine aussi beaucoup (rires)! Ce genre de discussions nous aide ensuite à voir les matchs autrement. Tu te rappelles ce que ton collègue t’a dit sur un joueur ciblé et tu y portes après une plus grande attention. C’est vraiment un travail d’équipe et c’est ce que j’aime. Je trouve qu’on forme un beau petit groupe avec Nick et Martin. J’aime aussi le lien que nous avons avec Kent Hughes et Jeff Gorton.»

Crédit photo : Martin Chevalier / JdeM

Avant de mettre fin à l’appel, Donald Audette y va d’une précision qu’il juge importante, surtout dans le contexte où le CH vient de connaître une deuxième saison difficile en deux ans. 

«Je veux dire aux gens qu’ultimement, tout le monde au sein de l’organisation souhaite la même chose: gagner. Chaque sélection faite par les Canadiens de Montréal ne s’explique que par une chose: l’envie d’ajouter le meilleur joueur de hockey, peu importe son pays ou sa ville d’origine.»

Rien de plus logique, après tout.

Alors que s’amorce tout juste l’ère Hughes-Gorton-Bobrov, les prochaines années nous en diront justement beaucoup quant aux habiletés du trio à dénicher les plus grands talents disponibles, qu’ils soient originaires du Québec ou non. 

En attendant, même si le bilan québécois des dernières années ne plaît pas à tous, les propos d’Audette indiquent assez clairement que la province est représentée, défendue et aimée avec aplomb autour de la table des décideurs du Tricolore.

Voyons maintenant voir comment tout cela se traduira lors du repêchage de cette année.