Ryan Leonard, le puissant étalon considéré par le CH au 5e rang – TVA Sports

«Il y a des joueurs qui t’amènent en séries et d’autres qui t’aident à les traverser.» Cette maxime était celle de Marc Bergevin durant son règne mouvementé à titre de directeur général des Canadiens de Montréal. 

Comme quoi l’empreinte de Bergevin n’est jamais bien loin, c’est aussi une maxime dont la nouvelle administration menée par Kent Hughes et Jeff Gorton pourrait s’inspirer en se prononçant au cinquième rang du repêchage le 28 juin prochain, à Nashville. L’un des candidats évalués par le Tricolore, l’attaquant américain Ryan Leonard, est bâti pour veiller tard au printemps.

«Il se lève chaque jour pour jouer du hockey de séries, résume son entraîneur avec le programme de développement américain, Dan Muse, lors d’un entretien avec le TVASports.ca. Même lors des entraînements. C’est simplement inscrit dans son ADN.» 

Une séquence a marqué l’imaginaire lors de la finale du Championnat mondial des moins de 18 ans : en prolongation contre la Suède, Leonard a retraité au banc en douleur après avoir bloqué un tir en désavantage numérique. Quelques instants plus tard, il était de retour sur la glace pour marquer le but qui a donné la médaille d’or aux États-Unis. Il a traversé la glace à vive allure avant de converger au centre et de tromper la vigilance du gardien Noah Erliden. 

Puissance. Ce mot contient toute l’essence du jeu de Leonard, bien qu’à 5 pieds 11, il se trouve tout juste sous la barre des 6 pieds. Il est puissant dans les coins. Son coup de patin est puissant. Son tir est puissant. C’est un étalon; une bête difficile à contenir et déterminée à te passer sur le corps. 

«C’est une rare combinaison de force physique et d’habiletés individuelles. Tu mets tous ces éléments ensemble et il peut changer le cours d’un match de tellement de façons, explique Muse. Toutes ces dimensions dans son jeu expliquent pourquoi il est un joueur si prisé par les équipes et les entraîneurs.»

Si prisé qu’aux yeux de certains, Leonard est le meilleur espoir en provenance du prestigieux programme américain cette année. Un récent article de The Athletic nous apprend d’ailleurs que certains recruteurs de la LNH classent Leonard devant Will Smith sur leur liste

Chris Peters, journaliste couvrant la USHL pour Flo Hockey et ayant travaillé par le passé dans le département des communications du programme américain, ne s’étonne pas de cette révélation. 

«Je pense qu’il y a des équipes qui ont Leonard devant Smith, corrobore Peters, qui était au Combine à Buffalo la fin de semaine dernière. Leonard n’a pas un sens du hockey aussi aiguisé que celui de Smith, qui est de qualité élite, mais certaines équipes valoriseront davantage le côté physique de Leonard et concluront que ses qualités se transposent mieux dans la LNH.»

Dans la sphère publique, Cam Robinson, directeur de l’évaluation vidéo pour la plateforme Elite Prospects, est d’ailleurs un observateur qui préfère Leonard à Smith. 

Hautement talentueux

Leonard présente un profil d’attaquant polyvalent. Un profil un peu beige en comparaison avec celui de Matvei Michkov, qui est indéniablement plus talentueux. Rapidement, on comprend pourquoi les partisans du CH sont nombreux à redouter sa possible sélection au cinquième rang, le top 5 étant réservé à la sélection de joueurs spéciaux.

Il serait facile de se méprendre, mais Leonard demeure un joueur très talentueux à sa façon, avec un potentiel élevé. Le faible risque associé à sa sélection n’en fait pas un joueur dépourvu de talent brut, bien au contraire. 

«Il n’y a vraiment aucun élément offensif de son jeu qui m’inquiète, mentionne Peters, qui a couvert le repêchage sur différentes plateformes lors des 13 dernières années. Tous ses outils vont le suivre dans la LNH.»

«Il a prouvé qu’il était capable de distiller l’information et de voir les jeux du point de vue offensif. Il l’a prouvé toute l’année», souligne son entraîneur Dan Muse.

Puisque Leonard a occupé le rôle de franc-tireur se tapant le sale boulot dans les tranchées à la droite de Gabriel Perreault et de Will Smith, deux joueurs extrêmement créatifs, des doutes ont émergé sur la toile au sujet de son sens du jeu et de sa capacité à créer des choses offensivement. 

Des doutes à prendre à des pincettes selon les intervenants que nous avons consultés. Après tout, un joueur n’accumule pas 94 points en 57 matchs par hasard. 

«Les chiffres qu’il a mis sur le tableau parlent par eux-mêmes, fait valoir Muse. Il a joué avec deux attaquants de haut calibre en termes de fabrication de jeux et il les suivait très bien. Il crée de l’espace pour ses coéquipiers, mais il peut aussi trouver les espaces. Quand un jeu peut être réalisé, il va le voir.»

«Il y avait des moments cette saison au cours desquels il était le joueur sur son trio qui dictait un peu plus le jeu avec la rondelle, raconte Peters. Il a montré qu’il en était capable. Il n’est pas un fabricant de jeu aussi doué que ses deux compagnons de trio et il a plutôt le profil d’un franc-tireur, mais il voit assez bien la glace. Il est bon pour trouver les couloirs et les lignes de passe en contre-attaque. Au Championnat mondial des moins de 18 ans, il avait la rondelle plus longtemps que d’habitude sur son bâton et il a joué son meilleur hockey de l’année.»

Capable de jouer au centre

Si le CH en venait à sélectionner Leonard au cinquième rang, cet attaquant natif du Massachusetts serait réclamé à la même position que son compatriote Cutter Gauthier, repêché l’an dernier par les Flyers de Philadelphie. Les deux hommes seront d’ailleurs coéquipiers à Boston College la saison prochaine. 

La comparaison entre les deux attaquants de puissance est naturelle en raison de leur implication physique dans le jeu, leur vitesse et la qualité de leur lancer. Gauthier a été muté à la position de centre dans la NCAA cette saison; Leonard jouait au centre avant d’être déplacé à l’aile. 

«Quand il a été rappelé l’an passé par l’escouade des moins de 18 ans, il a été utilisé majoritairement à l’aile et le changement a perduré cette année, explique Muse, entraîneur de l’équipe nationale américaine. C’est simplement comme ça que les choses se sont passées. Peut-être que s’il n’avait pas été rappelé l’an passé, il aurait joué davantage au centre cette saison. Au final, c’est un joueur polyvalent et il a pris des mises au jeu en infériorité numérique au cours de la saison. Je ne serais pas surpris qu’il soit employé au centre à certaines occasions dans sa carrière.»

«Je le vois davantage comme un marqueur, à l’aile, confie de son côté Peters. Je ne pense pas qu’il pourrait piloter un trio avec la même efficacité que d’autres joueurs de centre. Leonard a des aptitudes physiques semblables à celles de Gauthier, mais dans une plus petite charpente, car Gauthier est plus grand à 6 pieds 2. Livre pour livre, Leonard est l’un des joueurs les plus forts de sa cuvée et il joue de façon un peu plus agressive que Gauthier. Il peut être méchant sur la glace.»

Évidemment, toute comparaison est boiteuse. 

«Aucun joueur n’est pareil, précise Muse. Mais si on veut parler de deux joueurs qui ont un impact sur la glace avec leurs attributs physiques, alors oui, je suis d’accord.»

Si l’avenir de Cutter Gauthier dans la LNH reste à déterminer, on peut utiliser un joueur établi en guise de comparaison, question d’estimer l’impact de Leonard dans l’une des 32 formations. 

«Je mettrais probablement Leonard dans une classe similaire à celle de Matthew Boldy. Il peut avoir un impact très semblable en pratiquant un style plus abrasif», prédit Chris Peters.  

Une course entre Leonard et Reinbacher?

D’après les derniers bruits de coulisses – des bruits qui sont aussi parvenus aux oreilles de l’auteur de ces lignes -, tant Leonard que le défenseur David Reinbacher seraient considérés par les Canadiens au cinquième rang. Or, il y a lieu de se demander si le Tricolore estime qu’un jeune homme timide comme Reinbacher aurait la personnalité et les reins assez solides pour braver la tempête montréalaise. L’organisation accorde après tout une importance énorme à ce critère qu’est la capacité de s’épanouir dans un des marchés les plus exigeants en Amérique du Nord.

En ce sens, Leonard, qui dégage une saine confiance et une prestance rappelant celles qu’avait affichées Juraj Slafkovsky, représenterait un choix plus logique. Toutefois, un autre facteur complique l’évaluation : si le CH juge que Reinbacher a l’étoffe d’un défenseur de première paire, ce genre de joueur a généralement une valeur supérieure à celle d’un ailier de premier trio. 

On peut aussi se demander si les informations qui ont filtré jusqu’ici contribuent en fait à un grand bluff de la part de Kent Hughes, qui n’est pas né de la dernière pluie.

Le CH affectionne visiblement Leonard, tant le joueur que l’homme. Sera-t-il pour autant l’heureux élu au cinquième rang? Allez savoir. Avec les Canadiens résolus à brouiller les pistes, les prédictions deviennent de plus en plus périlleuses.