Super Bowl: plus qu’un affrontement fratricide

Lors de la traditionnelle soirée des médias pour lancer en grande pompe les activités de la semaine du Super Bowl 57 à Phoenix, les projecteurs étaient tournés vers Jason et Travis Kelce, qui deviennent les premiers frères à s’affronter au match ultime. N’eut été de leur amour fraternel fort, ce moment magique aurait bien pu leur filer entre les doigts.

Jason Kelce est le centre étoile des Eagles, nommé cinq fois sur la première équipe d’étoiles de la NFL et champion du Super Bowl il y a cinq ans.

Travis Kelce un l’ailier rapproché des Chiefs qui est considéré comme l’un des meilleurs de tous les temps et qui a lui aussi remporté le Super Bowl il y a trois ans.

Les deux sont aujourd’hui inséparables, au point où ils animent ensemble le populaire podcast New Heights et qu’ils se soutiennent mutuellement à plusieurs reprises quand les enjeux de leur équipe respective s’élèvent.

Ils seront rivaux dimanche, mais avant de faire le saut dans la NFL, ils ont été coéquipiers dans la NCAA chez les Bearcats de l’Université de Cincinnati. Des coéquipiers sur le terrain, mais surtout dans la vie.

Un événement déterminant

Avant le soleil, il y a eu l’ombre. À 20 ans en 2009, le jeune Travis a échoué un test anti-dopage. Expulsé de l’équipe et sa bourse d’études retirée, il a eu besoin d’une intervention divine… ou plutôt fraternelle.

Jason, de deux ans son aîné, a joué le rôle de grand frère en faisant pression pour que Travis soit réintégré. Il l’a même invité à habiter chez lui, question de bien le garder à l’œil.

«À Cincinnati, mon frère m’a montré la voie. Il savait ce que je voulais faire de ma vie et il s’est assuré que je reste dans le droit chemin. J’avais l’ambition et le talent, mais j’avais besoin d’une deuxième chance pour apprendre de mes erreurs.

«J’ai une dette éternelle envers lui parce qu’il a vraiment poussé pour moi. Je ne serais jamais ici sans mon frère», a témoigné Travis Kelce dans un rare moment de vulnérabilité, devant des centaines de journalistes.

Des combats avant le bonheur

Comme dans bien des fratries, les Kelce ont eu besoin de se taper dessus avant de se respecter et de s’enlacer.

L’harmonie qui règne aujourd’hui n’était pas souvent présente au domicile familial, en Ohio.

«Dans tout ce qu’on faisait, je le battais», s’est moqué Jason.

«J’ai été pas mal invaincu dans tout jusqu’à ce que Travis ait une poussée de croissance vers 13 ans. Je me souviens qu’on jouait un match de basketball dans la cour et que soudainement, je n’arrivais plus à l’arrêter. J’étais frustré, puis on a commencé à se disputer. Je lui courais après jusque dans la maison, puis il m’a soulevé et m’a lancé contre le plancher de la cuisine. C’est la dernière fois qu’on s’est vraiment battu. On est devenu trop gros pour faire ce genre de folies!», a-t-il ajouté.

L’un qui rit, l’autre qui pleure

Trêve de souvenirs, les Kelce vivent des moments heureux cette semaine. L’unique ombre au tableau, c’est que dimanche soir, pendant que l’un célébrera, l’autre sera inconsolable. C’est la cruelle nature du sport.

«C’est un moment dont on se souviendra toute notre vie», a souligné Travis Kelce.

«Mon but, c’est d’en arriver à une victoire des Chiefs plutôt qu’une victoire du Kelce de l’autre bord. Je sais que c’est une grosse histoire ici et je l’apprécie, mais l’unique pensée dans ma tête est une victoire des Chiefs. C’est un moment incroyable pour notre famille, mais on réalise tous les deux que cette soirée va mal finir pour l’un de nous.»

Une maman comblée

Même maman Donna ne peut que réaliser que cette conclusion est inévitable, ce qui ne l’empêche pas de savourer le moment.

Présente sur la grande scène avant le lancement de la soirée des médias, elle n’a pas bronché lorsque questionnée sur les sentiments ambivalents qui l’habitent.

«C’est incroyable de les voir rendus tous les deux à ce point de leur carrière. Pour ce qui est d’être divisée, ils se sont déjà battus en masse dans leur vie. Je suis habituée à ça!», a lancé celle qui avait pris soin de leur amener des biscuits cuisinés avec amour sur l’estrade. Comme quoi même les plus durs à cuire ont le cœur tendre.

Dimanche soir, peu importe qui l’emportera, ce sera une victoire pour la famille Kelce.

Une victoire, aussi un peu, pour tous ces parents découragés de voir leurs jeunes fistons s’entretuer. Peut-être un jour ces frères chamailleurs finiront bras dessus, bras dessous, chacun au sommet de leur art, à l’image des Kelce.

Un gynécologue dans la salle

Dimanche soir, en plus des deux frères sur le terrain, ainsi que des membres de la famille dans les gradins du State Farm Stadium, une autre Kelce pourrait potentiellement s’inviter au gros match.

C’est qu’au moment où sera présenté le Super Bowl, la conjointe de Jason Kelce, Kylie McDevitt, en sera à 38 semaines de grossesse.

Déjà parents de deux jeunes filles, Jason et Kylie savent que la troisième qui s’en vient pourrait fort bien se pointer le bout du nez lors de ce séjour à Glendale.

La tendre moitié du centre des Eagles sera d’ailleurs sur place et puisqu’il n’y a pas de risque à prendre, son médecin gynécologue aussi. Toute une épopée familiale!

«Si ma fille vient au monde pendant le match, je n’aurai pas le choix de la prénommer Super!», a blagué le centre des Eagles.

Voilà qui a fait dire à son frère Travis que tout était arrangé avec le gars des vues pour que leur mère ait un parti pris.

«Jason a de jeunes enfants, contrairement à moi. Donc en ce moment, c’est lui qui a le cœur de maman.»

Le droit de se vanter

Pour Jason Kelce, il ne fait aucun doute que le perdant du Super Bowl 57 en entendra parler longtemps dans la famille.

«Celui qui gagnera aura le droit de se vanter à l’autre toute sa vie. On s’encourage toujours et je souhaite tout le temps qu’il connaisse du succès, mais il a déjà toutes les statistiques qui en feront un membre du Temple de la renommée dès sa première année d’admissibilité. Il me semble que je pourrais avoir plus de titres du Super Bowl», a lancé le pince-sans-rire.