Tournoi pee-wee de Québec: leçon de courage des jeunes ukrainiens

Sean Bérubé n’a pas mis de temps à comprendre que la présence des Ukrainiens au Tournoi pee-wee allait au-delà du hockey.

Le Québécois, à peine de retour de la Roumanie, y a rencontré des jeunes souriants et motivés à venir en découdre avec les meilleures équipes au monde, mais aussi un ado qui vient de perdre son papa ou un autre qui s’inquiète, car le sien a été déployé dans une zone chaude. Et tout ça, alors que les jeunes ont croisé des missiles en faisant le chemin pour rejoindre le Québécois.

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Le résident de Saint-Gabriel-de-Valcartier avait fait le voyage avec une mission claire : aller chercher quatre jeunes joueurs pee-wee demeurant toujours en Ukraine.

Une tâche simple, mais qui s’est avérée une véritable aventure lors de laquelle les obstacles se sont multipliés.

Au départ, M. Bérubé devait quitter la Roumanie à bord d’une voiture de 11 passagers en compagnie du collègue de TVA Stéphane Turcot et de ses collègues, eux qui suivent l’équipe ukrainienne pour y produire un documentaire sur leur aventure.

Le plan était de récupérer les joueurs à la frontière entre la Roumanie et l’Ukraine, séparées par le Danube.

Mais, déjà, le premier obstacle : une tempête de neige s’abat sur la région et demander aux jeunes d’utiliser le traversier afin de se rendre en Roumanie est trop périlleux.

Par la Moldavie

L’entraîneur de l’équipe ukrainienne, Yevgeny Pysarenko, à l’aide de connaissances, trouve alors un autre point d’entrée.

Il faudra toutefois qu’ils passent par la Moldavie, pour finalement arriver à la frontière ukrainienne. Le plan semble béton : Bérubé part avec l’équipe de télévision tandis que Pysarenko, lui, prend un autre chemin pour y récupérer d’autres membres de l’équipe pee-wee.

Et voilà : deuxième obstacle.

«La voiture était manuelle et je ne suis pas habitué à conduire de cette façon. J’ai un tracteur à la maison qui est manuel et je me suis dit que ce serait la même chose. Donc on prend des photos, on se pense bon. Ç’a pris deux minutes et je suis resté coincé dans une côte ! Les gens me klaxonnaient et me criaient des bêtises. Là, je me suis dit : “Bravo, Bérubé, tu as quatre réfugiés qui t’attendent et tu n’es même pas capable de conduire à la clutch !”», raconte-t-il en riant.

Bérubé contacte aussi Pysarenko qui fait demi-tour et vient les rejoindre. Ce sera lui qui conduira, une décision qui, ils ne le savaient pas à ce moment-là, serait cruciale pour la suite des choses.

L’aide d’un passeur

La route se déroule bien malgré les intempéries et ils finissent par s’approcher de la frontière entre la Roumanie et la Moldavie.

Troisième obstacle : la loi moldave interdit d’entrer dans le pays à l’aide d’une voiture de location.

«En chemin, Yevgeny a pensé à un gars avec qui il avait joué au hockey et qui demeurait environ à 2 h de là. C’est un Ukrainien qui, en plus, avait joué au Tournoi pee-wee en 1994 !»

L’entraîneur ukrainien lui demande donc de les aider à traverser avec eux.

«Il a appelé son boss pour lui dire qu’il ne rentrait pas travailler parce que, pour des pee-wee, il fallait qu’il le fasse !»

Avec l’aide du bon samaritain, ils parviennent à entrer en Moldavie et à se rendre jusqu’à la frontière avec l’Ukraine.

«Il ventait et pleuvait, et on pouvait voir les quatre joueurs de l’autre côté. Il n’y avait qu’une barrière, le sol n’était que de la boue et il y avait des chiens errants un peu partout. Ça ressemblait vraiment à l’Union soviétique !»

Après avoir expliqué aux agents frontaliers la raison de leur périple, Yevgeny et Sean sont finalement autorisés à traverser, à pied, la frontière vers l’Ukraine. Après des adieux émotifs avec leurs mères, ils suivent finalement les deux hommes vers le début de cette aventure dont ils se souviendront toute leur vie.

Histoires de guerre

Sur le chemin du retour, Bérubé — qui parle couramment russe — apprend à faire connaissance avec ces quatre jeunes au parcours de vie atypique.

«Au départ, je les laissais placoter. Une de mes missions en allant là, c’était de connaître les joueurs et leur personnalité afin de pouvoir les placer dans les bonnes familles d’accueil.»

Et il réalise rapidement que leurs conversations n’ont rien de celles que devraient avoir de jeunes adolescents de leur âge.

«L’un d’eux disait tout bonnement que sur la route vers la frontière, il avait vu trois missiles voler dans le ciel alors qu’un autre racontait que ça avait sauté près de chez lui et que des débris avaient atterri sur l’auto de sa mère.»

Arrivé en Roumanie, là où toute l’équipe s’est réunie le 28 janvier pour leur dernier camp préparatoire avant leur départ pour le Québec, Sean Bérubé a réalisé que les jeunes à qui il avait parlé dans la voiture n’étaient pas une exception.

Tous des joueurs d’élite

«On a un jeune dont le papa est décédé récemment au combat et un autre dont le père est présentement déployé dans le Donbass, où ça brasse pas mal. Les jeunes étaient pour la majorité très souriants, mais, lui, il l’était un peu moins.»

Et, pour revenir au hockey, parce qu’après tout, c’est pour ça qu’ils viennent au Tournoi pee-wee, le Québécois a été impressionné de ce qu’il a vu.

«J’ai été surpris. Les gars, ça patine ! Je m’attendais à ce qu’ils viennent ici juste pour participer, mais au contraire. Après tout, ce sont tous des joueurs d’élite qui jouaient avant la guerre. Ils savourent chaque moment et ils se donnent au coton. Je pense qu’ils vont offrir un bon spectacle.»

On aura la réponse dès le 11 février, 11 h 45.

De l’intérêt médiatique de partout dans le monde

La visite de l’équipe ukrainienne au Tournoi international de hockey pee-wee de Québec suscite un engouement médiatique jamais vu et les demandes d’accréditation ont presque doublé comparativement à pareille date lors des événements antérieurs.

En date d’hier, l’organisation du Tournoi avait reçu un total de 52 demandes d’accréditation alors qu’en temps normal, à un peu plus d’une semaine de l’événement, elle en compte autour d’une trentaine.

Des 52, on compte le «New York Times», les stations radiophoniques RFI (France) et RSR (Suisse romande). Pour des raisons plutôt évidentes, aucun média ukrainien n’a fait de demande pour couvrir l’équipe pee-wee.

Depuis que l’événement a confirmé que tous les joueurs et entraîneurs de l’équipe avaient obtenu leurs visas pour venir au Canada, plus de 400 articles ont été publiés à travers le monde, dans des médias espagnols, allemands, britanniques, singapouriens, entre autres, selon une revue de presse produite pour le compte du Tournoi et fournie au «Journal».

Pas un cirque

L’Ukraine Team Select, réunie à Bucarest en Roumanie depuis le 28 janvier, débarquera officiellement à Québec ce soir.

S’il est parfaitement conscient de l’engouement que suscite la venue de l’équipe ukrainienne au Tournoi pee-wee, le directeur général de l’événement Patrick Dom tient tout de même à ce que leur passage dans la Vieille Capitale ne se transforme pas en «cirque».

Les demandes des médias seront donc acheminées par Sean Bérubé, qui se réservera le droit d’accepter ou non.

«S’ils sont à l’aise et qu’ils disent : “Pas de problème, vous pouvez venir ça ne nous déconcentrera pas”, alors pourquoi pas ? Avant leurs matchs, par contre, on va leur laisser leur bulle», mentionne la responsable des communications du Tournoi pee-wee, Julie Hamel.