Un regard approfondi sur le mystérieux défenseur russe repêché par les Canadiens – TVA Sports

De tous les joueurs plus ou moins connus que les Canadiens de Montréal ont réclamé lors de la deuxième journée du repêchage de la Ligue nationale de hockey à Nashville, Bogdan Konyushkov présente peut-être bien le profil le plus fascinant. À l’instar d’Alexei Emelin qui a fait le saut à 25 ans, ce choix de quatrième tour (110e au total) pourrait connaître une belle carrière en Amérique du Nord après de longues années de développement en Russie.

Défenseur russe de 20 ans que les observateurs ne connaissaient ni d’Ève ni d’Adam, Konyushkov a éclos la saison dernière dans la KHL. Dans une ligue que plusieurs considèrent comme la meilleure au monde après la LNH, il a récolté 25 points en 64 matchs, terminant au 12e rang du circuit parmi les défenseurs au chapitre des mentions d’aide. 

Chose rare dans une ligue réputée pour donner peu d’occasions de se faire valoir aux jeunes joueurs, Konyushkov s’est taillé une place de choix dans la brigade défensive du Torpedo de Nizhny Novgorod, lui qui a été employé en moyenne près de 21 minutes par match et sur les deux unités spéciales. 

Konyushkov a charmé un homme de hockey pas piqué des vers. Le professeur, Igor Larionov, entraîneur-chef du Torpedo. 

«Larionov est tombé en amour avec lui. Ce gars-là n’avait jamais joué dans la KHL avant cette saison et à son deuxième match déjà, il obtenait une vingtaine de minutes. Ce n’est pas l’histoire d’un joueur qui a progressivement gravi les échelons au cours de l’année. Il a obtenu rapidement un temps de jeu considérable.»

Ces propos sont ceux d’Alexander Appleyard, recruteur pour l’agence Smaht Scouting et collaborateur pour The Athletic Philadelphie. En menant des recherches poussées sur Twitter, nous avons constaté qu’un seul intervenant a mentionné le nom de Konyushkov dans une publication avant le repêchage. Il s’agissait de cet homme.

Dans l’exercice de son travail, Appleyard, un Britannique maintenant établi aux Pays-Bas que l’on peut toutefois trouver aux quatre coins de l’Europe, se concentre exclusivement sur les espoirs jouant sur le Vieux Continent. Konyushkov est apparu sur son radar au début de l’année dans la KHL. 

Machine en transition

Konyushkov est vraiment sorti de nulle part. Il y a deux ans, il évoluait dans la NMHL, le deuxième échelon du junior russe. C’est l’équivalent pour un Québécois de jouer dans une ligue inférieure à la LHJMQ à 18 ans. 

Il a fait le saut dans la VHL (la Ligue américaine au pays de Poutine) en 2021-2022. Puis cette saison, il a immédiatement fait sa marque dans la KHL, ce qui lui a valu d’être nommé finaliste au titre de recrue de l’année.  

«Son intelligence et ses qualités de passeur sont vraiment ses forces principales, résume Appleyard. Je dirais qu’il était l’un des meilleurs passeurs de la KHL cette saison. Il est très habile pour sortir la rondelle du territoire et il panique rarement en possession du disque. Ses relais (outlet) aux attaquants étaient très précis.»

Défensivement, Konyushkov est assez efficace grâce à une utilisation active et judicieuse de son bâton ainsi qu’une mobilité lui permettant de réduire l’espace concédé au porteur de la rondelle. 

«Il est bon pour fermer les lignes de passe et tuer des jeux autour du filet avec son bâton, mentionne notre intervenant. Cela fait de lui un excellent joueur en infériorité numérique. Il bloque également beaucoup de tirs, c’est un art qu’il maîtrise très bien; il ne craint pas de se positionner devant les rondelles.»

Autre donnée qui rend intéressante cette sélection des Canadiens : Konyushkov est représenté par la firme Gold Star de Dan Milstein, l’un des agents les plus influents de la LNH. Milstein a un certain flair et il représente plusieurs bons défenseurs russes : Mikhail Sergachev, Alexander Romanov, Artem Zub, Nikita Zadorov, Nikita Zaitsev ainsi que les prometteurs Pavel Mintyukov et Dmitri Simashev. 

Trois défauts importants

N’empêche, si Konyushkov était un joueur parfait, il n’aurait pas dû attendre ses 20 ans pour être repêché au quatrième tour.

Il y a quelques embûches qui le séparent d’une carrière couronnée de succès en Amérique du Nord. Trois en particulier : son gabarit, son tir et sa fâcheuse manie d’être absorbé par la rondelle. 

À 5 pieds 11 pouces, Konyushkov a parfois eu du fil à retordre contre des attaquants imposants dans la KHL. Sur une plus petite glace, il est facile de penser qu’il aurait du mal à nettoyer le devant du filet et s’imposer dans les coins de patinoire. 

«Il lui est arrivé de se retrouver contre des attaquants de 6 pieds 4 pouces. Autour du filet, il se faisait pas mal bousculer. C’était plus difficile pour lui», reconnaît Alexander Appleyard. 

Ce manque de puissance se répercute aussi sur la vélocité de son lancer. 

«Son tir est assez faible, souligne notre expert. Par moments, il décide de ne pas tirer la rondelle alors qu’il devrait le faire. Il ne génère pas de puissance, il tire avec son haut du corps et il n’utilise pas suffisamment ses jambes.»

Enfin, il lui arrive de tenter de tuer le jeu de façon trop insistante, si bien qu’il se retrouve hors de position. 

«Parfois, il court après le jeu en défensive, illustre Appleyard. Mais Larionov l’employait à gauche parfois alors qu’il est droitier. Ça a pu jouer en sa défaveur dans ce genre de situation.»

Le pari que les Canadiens ont pris est le suivant : si Konyushkov s’investit dans son développement et travaille assidument sur ces trois aspects de son jeu, ses chances de jouer au hockey au plus haut niveau en Amérique du Nord deviennent assez bonnes.  

«S’il améliore son tir, ajoute quelques livres à sa charpente et ne court plus autant après le jeu, ce ne serait pas impossible qu’il devienne un quatrième défenseur dans la LNH», suggère Appleyard. 

Ce serait le scénario idéal, bien entendu. 

«Comme il est mobile, assez solide défensivement et un bon passeur, il pourrait aussi se retrouver sur une troisième paire avec un défenseur plus imposant qui s’occuperait de tasser les joueurs adverses», nuance-t-il.

Au moment de sa sélection par le Tricolore, le contrat de Konyushkov avec Nizhny Novgorod devait venir à échéance au terme de la prochaine saison, mais il vient d’être prolongé jusqu’en 2026. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il n’aidera pas le CH de sitôt. La bonne, c’est qu’il aura amplement le temps de se développer et de s’affirmer comme l’un des meilleurs défenseurs de la KHL avant de signer un contrat d’entrée dans la LNH.

Repêché en 2004, Emelin avait fait ses débuts avec les Canadiens seulement sept saisons plus tard, en 2011-2012. L’organisation n’a pas regretté sa décision pour autant comme en témoignent les 456 matchs de hockey qu’il leur a offerts.