Une longue attente de 33 ans

Après une longue attente de 33 ans et 10 ans d’efforts soutenus, le seul vélodrome couvert de la province construit au coût de 22 millions $ a enfin été inauguré jeudi en Estrie.

Depuis le démantèlement de la piste olympique de Montréal, toute une génération d’athlètes en cyclisme a été privée d’un toit dans une province où l’hiver domine près de six mois par année.

Cette fois-ci, le projet du vélodrome Sylvan Adams à Bromont, jumelé au Centre multisports Desjardins, a exigé près d’une décennie de travail pour le directeur général du Centre national de cyclisme de Bromont. Le financement a probablement été le plus gros défi.

Un peu avant l’arrivée des 500 invités pour l’ouverture officielle en soirée, Nicolas Legault avait peine à croire que le sprint fou des dernières semaines tirait à sa fin. Le retard dans la livraison du bois et le travail incroyable des bénévoles pour finaliser les travaux ont créé un stress supplémentaire.

«C’était une aventure. C’est important d’écouter nos feelings et d’y croire. On n’a pas fait ça à moitié. Il y a beaucoup de synergie dans le sport présentement et je pensais à Hugo Houle qui gagne une étape du Tour de France. Le retour d’un vélodrome au Québec, c’est vraiment incroyable», a lancé le dirigeant qui y voit l’aboutissement d’un rêve.

Des années d’efforts

En entrant dans l’immeuble tout neuf, les cyclistes seront nombreux à se demander pourquoi il est parfois si difficile de se doter d’infrastructures sportives de qualité au Québec. Les plus âgés parlent encore des Six-Jours, une compétition enlevante sur piste tenue dans le vieux Colisée de Québec, mais également à Montréal. L’engouement n’a jamais disparu malgré des décennies d’absence.

«On est chanceux d’avoir des gens tenaces dans le sport. On n’arrive à un niveau intéressant au Québec pour compétitionner contre les autres nations. On ne sera plus gêné avec des infrastructures comme ça. Le cyclisme sur piste est l’un des sports les plus spectaculaires», ajoute M. Legault.

Depuis plusieurs années, Bromont bénéficiait de la seule piste au Québec, mais à l’air libre. Dans une courte saison de quelques semaines seulement, la moindre averse pouvait annuler un événement.

Près de Québec, le petit vélodrome extérieur de Saint-Augustin-de-Desmaures, usé par le temps, est tombé sous le bulldozer en 2007.

Un peu comme le Centre de glaces Intact Assurance à Québec, ouvert depuis 2021, le vélodrome ne sera pas uniquement réservé à l’élite sportive.

«On a désormais toutes les conditions pour réussir. Ça se roule très bien un vélodrome et tout le monde ressort avec le sourire. Quelqu’un qui pédale à 25 km/h à l’extérieur va être capable de faire de la piste. C’est un beau défi et il y aura des cours tous les samedis», précise le directeur.

Une passion commune

Les cyclistes québécois auront dès cet hiver un point de ralliement pour partager leur passion commune. La détection de talent sera aussi une priorité. Depuis 2015, le vélodrome intérieur le plus proche se situait à Milton, près de Toronto.

Déjà engagé comme entraîneur responsable des programmes de piste au vélodrome olympique de Montréal après les Jeux de 1976, Eric Van Den Eynde a dirigé plusieurs athlètes olympiques depuis près de 40 ans.

«J’ai passé le relais à un gars qui avait du potentiel ! Nicolas a amené le cœur et l’âme. Je veux que ça soit aussi un vélodrome d’initiation pour les jeunes», a-t-il résumé.

«C’est la réalisation d’un rêve pour un grand nombre de cyclistes québécois», terminé Louis Barbeau, directeur général de la Fédération québécoise des sports cyclistes.

Une vocation

À la fin des années 1980, Pierre Bourque, alors directeur du Jardin botanique, avait lancé l’idée de transformer l’ancien lieu de sport en Biodôme en prévision des fêtes du 350e anniversaire de Montréal. Ce qui avait scandalisé plusieurs fédérations sportives.

Tel un clin d’œil, les passionnés jurent en riant qu’il n’y aura jamais de pingouins pour voler la place des vélos à Bromont.

Pour développer de futurs champions

Le philanthrope Sylvan Adams, qui a donné son nom au vélodrome, a fait les premiers tours de piste jeudi soir.

L’homme d’affaires et cycliste, copropriétaire de l’équipe Israel-Premier Tech d’Hugo Houle, était arrivé en renfort en 2019 avec un don de 2 millions $.

De l’avis de tous, le privilège et l’honneur de donner les premiers coups de pédale lui revenaient. Personne n’aurait voulu lui voler ce plaisir. L’homme de 63 ans habite depuis quelques années en Israël.

Au cours du prochain mois, quelques travaux de finition permettront de bien lancer la première saison intérieure.

«Je suis fier de pouvoir contribuer au développement des sports cyclistes et de nos jeunes grâce à ce magnifique vélodrome. Je suis convaincu que nous verrons le développement de plusieurs futurs champions dans ce splendide complexe. Merci à tous ceux qui ont participé à créer ce magnifique projet, et particulièrement à Nicolas Legault, qui a piloté la réalisation d’un rêve», a mentionné Adams.

Ce dernier possède également une autre piste en Israël. Le Sylvan Adams Velodrome est situé à Tel-Aviv. C’est le premier vélodrome en salle du Moyen-Orient. Il a été inauguré dans le cadre des célébrations entourant le grand départ du Giro d’Italia en Israël en mai 2018.

À Bromont, la Ville a par ailleurs mis 2 millions $ dans le projet québécois.

«Il s’agit d’un grand jour», a lancé le maire Louis Villeneuve.

Présent jeudi, le pdg de Premier Tech, Jean Bélanger, devrait bientôt dévoiler avec Sylvan Adams des détails importants concernant leur association, notamment pour l’équipe cycliste, mais aussi pour le site du vélodrome de Bromont.

Avenir incertain

Sylvan Adams a changé de ton récemment concernant l’avenir de la formation Israel-Premier Tech (IPT), qui se trouve sous la menace de perdre sa licence WorldTour en fin de saison.

Alors qu’il était confiant en juin dernier, la négociation semble désormais très difficile. Ce mois-ci, l’homme d’affaires a dit tout le mal qu’il pensait de ce système de relégation en brandissant des menaces de poursuite contre l’Union cycliste internationale (UCI).

À l’issue de la saison 2022, l’UCI World Tour sera réduit aux 18 meilleures équipes sur les trois dernières années et IPT n’y figure pas.

Fidèle à l’entreprise Premier Tech de Rivière-du-Loup, Hugo Houle a d’ailleurs mentionné récemment qu’il ne s’attend pas à participer au prochain Tour de France.